CFR Cluj: la recette du succès

cfr-cluj.gifA mi-parcours, le CFR Cluj est largement en tête du championnat de Roumanie et devrait s’emparer du titre à la fin de la saison. Il n’y a plus de doute tant sa suprématie sur ses adversaires direct est grande. La stratégie, la force, le jeu, tout est plus beau à Cluj cette saison. Cluj mène le classement pour la première fois de son histoire, mais ce n’est pas sa position de tête qui est étonnante, c’est la manière dont elle y est arrivée. Car il y a encore 4 ans, cette équipe végétait en 3ème division…

Le système de cette réussite est simple: chacun joue son rôle, pas plus. Alors que les équipes bucarestoises font beaucoup de bruit pour pas grand chose ces derniers temps, Cluj triomphe en silence. Une sorte d’AS Nancy local. Cette discipline stricte est basée sur plusieurs points, développés ci-dessous.

arpi.jpgRègle numéro 1, le patron de fait que financer. Árpád Zoltán Pászkány (photo), qui m’était absolument inconnu il y a encore un an, est en fait un des hommes les plus riches de Roumanie. Après avoir réussi dans les affaires (c’est toujours trouble quand on dit ça en Roumanie, non?), Pászkány a eu l’ambition de réussir également dans le football. Mais Arpi, son surnom, n’est pas comme les autres. Rien à voir avec les Becali, Copoş ou Borcea dont on nous rabâche les oreilles à longueur de temps. Alors que ces derniers passent leur temps à polémiquer, à chercher les scandales ou à gérer de main de maître leur équipe, jusqu’à sa composition, persuadés qu’ils sont de détenir la vérité absolue même s’ils ne savent pas aligner 3 jongles, Arpi reste discret (il a plutôt intérêt d’ailleurs, rapport à ses affaires…). Et à seulement 34 ans, il est un président plein de bon sens, qui refuse toute sortie agressive dans la presse envers ses joueurs ou ses adversaires.

Lorsqu’il a pris en main le destin du CFR, c’était une équipe plus que banale, qui luttait pour sa survie depuis la chute du communisme en 1989. Il a alors promis d’investir pour en faire une équipe de top, capable de rivaliser avec les leaders bucarestois et de se montrer en coupe d’Europe. La semaine dernière, il a annoncé un budget de 100 millions d’euros pour les transferts si le club finissait premier du championnat, et se qualifiait donc directement pour la Ligue des Champions. En comparaison, ce sont 5,1 millions qui ont été dépensés cet été. Et la première recrue de cet hiver, Michael Dorsin, de Rosenborg, vient libre de tout contrat. Quand on dit que Pászkány sait faire des affaires…

iuliu-muresan.jpgPászkány le financier n’intervient donc pas dans les affaires de son équipe, ce qui n’est pas tout à fait le cas de son bras droit, Iuliu Mureşan (photo), le président du club, soit le deuxième homme dans sa hiérarchie. Ancien médecin dans la police de Cluj, totalement novice en matière de football, Mureşan doit sa présence à la direction du club à ses excellentes relations avec Arpi. Mais il a rapidement impressionné les médias roumains par sa personnalité. Il critique les arbitres et les adversaires, il punit ses propres joueurs et est à la base du renvoi de ses entraîneurs successifs, Aurel Şundă, Dorinel Munteanu et l’Italien Cristian Bergodi, qu’il considérait incapables d’amener le club en Ligue des Champions.

Mais une autre facette de sa personnalité intrigue. Bien que novice, on dit que Mureşan faisait partie du cercle de travail de Jean Pădureanu (président du Gloria Bistriţa) et qu’il serait ainsi devenu très proche de Mircea Sandu, président de la FRF, et de Dumitru Dragomir, président de la LPF, soit les deux personnes les plus importantes du football roumain actuel. Ce serait la raison pour laquelle il ne critique jamais le système ni n’a de comportement acerbe ou violent, à l’inverse d’un MM Stoica par exemple, le but étant de ne pas attirer l’attention.

andone-a-cluj.jpgParlons de l’entraîneur maintenant. Si le CFR Cluj donne une impression de lente montée en puissance calme et inscrite dans la durée, il n’en est pas tout à fait de même pour le poste d’entraîneur. Ioan Andone (photo) est ainsi le quatrième à endosser ce rôle depuis l’arrivée du duo Pászkány-Mureşan. Lorsqu’il a été démis de ses fonctions au Dinamo, les dirigeants clujeni ont suaté sur l’occasion pour s’offrir un entraîneur expérimenté, au palmarès fourni, puisque c’est le champion en titre, et (surtout) qui connaît bien le dessous des cartes en Liga I. Cet entraîneur connu et reconnu, un peu grande gueule, c’était l’occasion idéale de montrer à tous les ambitions du CFR. Et, en exceptant le naufrage contre l’Anorthosis Famagouste en Coupe UEFA, Andone fait un excellent travail à Cluj.

Andone a pour lui une faculté impressionnante, celle de deviner le moral de ses joueurs. La difficulté supplémentaire ici, c’est que son équipe est composée d’une véritable légion étrangère. Sur 31 joueurs, 21 sont étrangers! Le mal du pays pour certains pourrait rendre les choses difficiles pour Andone, mais pourtant l’ensemble reste étonnamment équilibré. Andone devine ses joueurs, fait des changements dans son équipe qui se révèlent toujours payants, et a surtout été conscient dès son arrivée qu’il fallait ouvertement viser le titre pour motiver ses joueurs. Personne ne voulait croire que cette équipe pouvait aller chercher le titre, lui l’a fait, et ses joueurs semblent avoir y gagné un grand supplément de confiance en eux. Mais il n’est pas le seul à leur faire confiance, puisque la direction du club a déjà fait commencer les travaux d’agrandissement du stade… pour accueillir la Ligue des Champions l’an prochain!

A l’heure actuelle, beaucoup d’équipes, en Roumanie comme ailleurs, peuvent envier celle dont dispose Andone. Celle-ci a été formée petit à petit, trois saisons durant. Les joueurs les moins bons ont quitté le club, tandis que le staff a, par petites touches, amélioré chaque secteur de jeu, jusqu’à avoir deux solutions par poste, pour un ensemble très homogène. Mais au-delà de l’absence d’une véritable star, c’est la direction prise par le recrutement qui est une vraie révolution en Roumanie. En se basant sur des joueurs étrangers, le CFR bénéficie aujourd’hui peut-être d’une mentalité différente de celle des autres clubs roumains.

La première différence, c’est que personne n’est indispensable. Les joueurs qui ne sont pas bons ne jouent pas. Pour preuve, Amoreirinha, ancien capitaine de l’équipe du Portugal espoirs acheté 1 million d’euros au Benfica, ne joue quasiment pas depuis son arrivée. C’est une méthode qui peut sembler logique, mais à laquelle les clubs roumains ont parfois du mal à adhérer. Un joueur venu de l’Ouest a toujours été une star en puissance, puisqu’il était rare et cher. Il est donc d’habitude impensable de ne pas le faire jouer.

L’avantage pour ces joueurs, c’est que le CFR les paie très bien. Les salaires sont même plus élevés que dans leurs anciennes formations occidentales. Le fait est que, souvent, leur cote est montée en flèche lors de leur arrivée, mais les joueurs arrivés avec un certain standing, comme Amoreirinha, ont vu eux aussi leurs émoluments augmenter lors de leur arrivée en Roumanie. La plupart d’entre eux n’ont donc aucun intérêt à quitter le navire.

Et ce navire file droit vers le titre. Cluj devient la première puissance de Roumanie. Et le plus drôle, c’est que quelques uns de ses joueurs ne connaissent même pas les historiques que sont Steaua, Dinamo ou Rapid. Pour son centenaire, le CFR s’offre une suprématie nationale.

 
Edito | Portrait/Interview | Roumanie

trackback uri 17 commentaires

seul petit… hiq à mon gout… cette année, la champion roumain a une place directe en ligue des champions et donc cluj… est pr le moment l’heureux élu, seulement quand les gens vont voir… cluj en ligue des champions faut admettre…… ca fait déja bizarre, les francais à la rigueur connaissent bien et les puristes d’ici ou d’ailleurs ( les francais connaissent par st étienne et lens que cluj à déja croisé en intertoto ), mais surtout quand ils vont voir cluj ( club roumain )… avec 7 portugais dans l’equipe type… ca va bien faire rire, apres est ce que l’equipe peut faire mieux que le steaua en ldc ) ben… ui pour la simple et bonne raison… qu’on peut pas faire pire ( 0pt en 4 matchs ) apres… l’equipe a encore besoin de gagner en maturité je pense et puis… il ne faut pas que les joueurs quittent le navire et encore renforcer quelques secteurs de jeu pourtant parfois bien fourni ( dorsin, manuel josé, tony, semedo, didy et d’autres sont vraiment bon… ) cette équipe m’est sympathique et puis ca fait plaisir malgré mon attachement pour le steaua de voir une équipe de provence mener la tete, si ca peut faire réfléchir les bourrins de bucarest… amen !

par sancho90, 12.11.2007 à 18h48   | Citer

Tout d’abord Pj comme je te l’ai dit, félicitations sur tes articles! en effet, depuis que j’ai découvert PF, j’ai appris une foule de choses ici sur ce pays méconnu qu’est la Roumanie.
Si Cluj parvient en champions league ca fera peut etre rires certaines personnes, mais croyez moi, ca sera très difficile d’aller jouer à Cluj pour les équipes étrangères.Les puristes ici savent que le public roumain est chaud et qu’il est jamais facile de jouer en Roumanie.De plus, cette équipe de Cluj m’est fort sympathique et j’ai sincèrement envie de suivre son parcours.
De plus, si Paskany et Muresan s’y prennent bien et renforcent intelligemment l’équipe, on pourrait avoir de sacrés surprises!
Ion Andone est un excellent entraineur, l’argent et un nouveau stade vont permettre d’excellentes choses.
Le hic concerne les équipe de Bucarest, ca me fait un peu chier de voir le Steaua avec son histoire et a tradition ne pas réussir a avoir les mêmes idées que Cluj…
Mais n’enteront pas trop vite les équipes bucarestoises dans ce championat, ainsi que le Poli Timisoara qui est un outsider sérieux.
Réagissez a ce que je viens d’écrire, l’avis footballistques des gens ici m’interessent beaucoup! :-)

par Bastien, 12.11.2007 à 19h06   | Citer

Merci beaucoup Bastien!

Comme vous deux, je sais pertinement que les présentateurs et autres journaleux vont bien se moquer en voyant Cluj comme petit poucet de cette compèt’, mais quelque part, je pense qu’il feront bien meilleure figure que Steaua, qui pourtant n’a pas été mauvaise l’an dernier. A voir mais j’ai l’impression qu’on devrait avoir une surprise l’année prochaine.

par PJ, 12.11.2007 à 19h13   | Citer

Néanmoins Pj le championnat est encore long et il faudrait que le CFR maintienne cette série de victoire, il faudra confirmer après la pause hivernale et c’est jamais facile.
Ce qui est bien en revanche, c’est qu’après des années difficiles, le football roumai sera de nouveau présenté en champions league.
Et surveillons de près Timisoara, ils pourraient aussi etre une équipe surprise de ce championnat…

par Bastien, 12.11.2007 à 19h18   | Citer

Un bon finantator et gata! C est la seule chose qu il faut en Roumanie pour gagner le titre….
On a plus qu à attendre que le Steaua descende en division 3 et qu un mec un peu intelligent le reprenne :-)
Cluj en LdC, j y crois et je pense que qlqs uns vont s y casser les dents :-) Tout le monde se moquait du fc Thoune et rare sont ceux à s etre ballader face à eux!

par bowser, 12.11.2007 à 20h04   | Citer

C’est un peu le Nancy de la Roumanie, ce club, non ? ;-)

par Moriarty, 12.11.2007 à 21h24   | Citer

@Bowser: c’est marrant, je pensais exactement à Thoune en écrivant mon dernier commentaire. Tous les mecs de Canal présentaient le club comme un truc de CFA et ils ont failli aller en 8èmes. Déjà qu’ils n’ont absolument aucune considération pour Steaua ou même le foot roumain en général (savent même pas prononcer Chivu correctement…), là, c’est sûr que Cluj et son stade à deux tribunes, ça va bien les faire marrer. Quoique je dis deux tribunes, mais les travaux d’agrandissement et de mise aux normes sont en cours.

par PJ, 12.11.2007 à 22h01   | Citer

Thoune, la comparaison est particulièrement judicieuse.
Cluj en LDC, par ailleurs, ça signifiera aussi, probablement, sa récupération politique par Platini en vue de sa réforme de la compét.

Sinon, vu que cet article est donc destiné à la postérité, et bien qu’il soit superbement écrit et documenté, je me porte en faux contre cette nouvelle intrusion inadmissible sur les plates-bandes de kolb, qui non seulement est détenteur des droits sur le L2 roumaine, mais a en plus l’exclusivité des info sur tous les clubs qui ont fréquenté ses stades, même dans les 5 dernières années. Le CFR Cluj est donc encore à nous pour deux ans.

Si PJ ne prend pas très rapidement contacts avec nos avocats, je me chargerai d’indiquer à ses nombreux fans combien de points ce Monsieur a marqué lors du dernier concours de pronos, ainsi que son classement.

Merci PJ !

par Beckhamescu, 12.11.2007 à 23h21   | Citer

Bravo pour l’article PJ !
7 joueurs Portugais dans un club Roumain ? C’est ça l’Europe !

par stef, 13.11.2007 à 06h11   | Citer

@Beckhamescu: la vache, t’es sévère toi! C’est clair qu’en pronos je suis une super-bille! ;-)

@Stef: Merci! Et le CFR, c’est l’Europe à lui tout seul, la première équipe roumaine de l’histoire à n’avoir aligné que des étrangers au départ d’un match. Généralement, il n’y a que deux ou trois Roumains titulaires maximum (le gardien Stancioiu et le 10 Trica).

Le CFR compte 9 Roumains et Portugais, 2 Brésiliens, Argentins et Suédois et 1 Français, 1 Chilien, 1 Nigérian et 1 Bolivien.

par PJ, 13.11.2007 à 10h34   | Citer

manquent des serbes pr etre vraiment efficaces :-) )))

par bowser, 13.11.2007 à 10h51   | Citer

Elle est belle la comparaison avec le FC Thoune…

http://www.tsr.ch/tsr/index.html?siteSect=200001&sid=8415400

par Beckhamescu, 13.11.2007 à 14h29   | Citer

Hola oui, c’est moins glorieux d’un coup là…

par PJ, 13.11.2007 à 14h38   | Citer

qui est le francais de cluj, avec la fatigue la… j’arrive pas à savoir qui est ce… pour le reste ca va

par sancho90, 13.11.2007 à 19h29   | Citer

C’est Anthony Da Silva (dit Tony), un défenseur franco-portugais formé au PSG. On en avait déjà un peu parlé ici avec un des ses fans.

par PJ, 13.11.2007 à 20h06   | Citer

Jamais la cfr ne gagnera le championnat ! pourquoi? parcque le foot roumain est tellement pourri que les gens qui font la pluie et le beau temps a bucarest n’accepterons pas de voir un club comme celui ci les representer en CL. Paszkany n’est pas aimé à bucarest et des soupcons d’achats d’arbitrage pèse sur lui, de plus quand on connait un peu ce pays on sait bien qu’un club dirigé par un hongrois ne pourra pas gagner le championnat.

par avram iancu, 15.12.2007 à 11h33   | Citer

Sûr que les gars de Bucarest ne l’aiment pas et vont tout tenter, mais bizarrement, tout se retourne contre eux. Les clubs bucarestois n’ont jamais pris autant de matchs à huis clos que ces deux dernières années. Rien que ça.

Paszkani n’est pas apprécié surtout parce que c’est un gars qui arrive de nulle part et les empêche de faire leurs affaires. Forcément, ça dérange. Surtout s’il est d’origine hongroise, tu as raison de le souligner.

Et pour ce qui est des soupçons d’arbitrage, j’espère que les autres présidents ne seront pas assez cons pour utiliser cet argument, parce que personne n’est tout blanc à ce niveau.

par PJ, 16.12.2007 à 12h43   | Citer