Roumanie, enfin un coup de balai?

Je vous en parlais il y a quelques temps, lorsque les procureurs du Département National Anti-corruption (DNA) avaient lancé leurs enquêtes à propos d’affaires de corruption. Les présidents des grands clubs roumains étaient visés, ils sont depuis hier poursuivis en justice pour différentes affaires de corruption et de détournement dans le cadre de transferts de joueurs.

Pour être plus précis, selon le communiqué du Ministère public, les procureurs du DNA ont lancé le 10 janvier des poursuites pénales pour escroquerie, évasion fiscale et blanchiment d’argent contre Ioan Becali, agent de joueurs, Victor Becali, agent de joueur, Gheorghe Copoş, président du Rapid Bucarest, Sica Puscoci, avocat, Mihai Stoica, ancien directeur de l’Oţelul Galaţi, Cristian Borcea, président exécutif du Dinamo Bucarest, Jean Pădureanu, président du Gloria Bistriţa, Gheorghe Popescu (l’ancien international), agent de joueurs et Gheorghe Neţoiu, actionnaire du Dinamo Bucarest.

Selon les preuves détenues par les procureurs, les réponses fournies lors des 17 commissions rogatoires effectuées de par le monde (en Chine, Corée du Sud, Hollande, Espagne ou encore en Italie) ainsi que les analyses effectuées par l’Office National pour la Prévention et la Lutte contre le Blanchiment d’Argent et la Garde Financière mettent en cause les personnes citées ci-dessus pour transactions illégales et utilisation d’intermédiaires ainsi que détournement vers l’étranger de plus de 10 millions d’euros destinés aux clubs qu’ils représentent ou pour leurs activités d’agent.

Ainsi, entre 1999 et 2005, la plus grande partie des sommes destinées aux clubs a été détournée sur des comptes appartenant à des sociétés off-shores basées aux Îles Vierges et en Hollande, avant d’être appropriées par les accusés pour leur intérêt personnel. Les sommes ainsi détournées devaient initialement revenir aux clubs suivants: Dinamo Bucarest, Rapid Bucarest, Gloria Bistriţa et Oţelul Galaţi, et provenaient des transferts de 12 joueurs: Cosmin Contra, Paul Codrea, Florin Cernat, Bogdan Mara, Lucian Sânmartean, Florin Bratu, Dan Alexa, Adrian Mihalcea, Nicolae Miţea, Cristian Dulcă, Ionel Ganea et Iulian Arhire.

Les 4 clubs cités ont donc été lésés de plus de 10 millions d’euros, soit la différence entre les sommes enregistrées dans leurs comptabilités et les sommes qu’ils ont réellement encaissées pour ces transferts. Par conséquent, par le non enregistrement de ces revenus dans la comptabilité de ces clubs, et donc la diminution de leurs revenus imposables, ces derniers ont privé le budget de l’Etat de plus d’1,7 million d’euros. De même, la Fédération Roumaine de Football, qui reçoit un pourcentage sur chaque transfert conformément au règlement en vigueur, a été lésée de 600 000 euros dans cette affaire. Voilà deux erreurs, l’Etat et la FRF étant deux entités prêtes à tout pour récupérer leur argent…

«Nous avons découvert un vrai réseau, comparable à une pieuvre. Plusieurs parmi ceux faisant l’objet de poursuites ont agi ensemble, dans plusieurs transferts», ont déclaré des sources proches du DNA. Les accusés plaident eux évidemment l’innocence, et affirment haut et fort qu’ils détiennent les documents le prouvant. Mais l’affaire est loin d’être simple. Les médias s’accordent pour penser qu’il ne s’agit ici que d’une «première liste». D’autres cas, parfois plus spectaculaires, pourraient bientôt être dénoncés. On parle notamment du transfert d’Adrian Mutu du Dinamo Bucarest à l’Inter Milan en 2000. L’Inter Milan aurait payé 7 millions d’euros pour s’offrir Mutu, tandis que les documents officiels en possession du Dinamo faisaient état de 2,1 millions d’euros.

Même s’il est encore difficile de penser que toute la lumière sera faite sur ces affaires et que les coupables seront sanctionnés – un sondage indique d’ailleurs que 88% des personnes interrogées pensent qu’aucun des accusés ne fera de prison – les choses commencent à changer en Roumanie. Les nouveaux procureurs du DNA et des commissions anti-corruption ne sont plus d’anciens apparatchiks communistes. L’UE a fait de la lutte contre la corruption une condition majeure pour l’entrée du pays en son sein. Les recherches deviennent tellement poussées que même le Président de la République Traian Băsescu a été inquiété il y a de cela plusieurs mois. Il est donc possible que le football roumain connaisse un ménage sans précédent, ce qui ne serait pas un mal. Après tout, ne dit-on pas encore aujourd’hui que le championnat se décide en coulisses et pas sur le terrain? Le nettoyage est nécessaire, il faut espérer que ce ne soit pas un énième coup d’épée dans l’eau…

 
Carton rouge | Roumanie

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Comme je vous le disais, ce n’est apparemment pas fini. Le DNA plache sur d’autres transferts litigieux, qui mettent les frères Becali (les cousins de Gigi) en première ligne. Ceux-ci ont en effet été les intermédiaires lors de 2 transferts retentissants en Roumanie, ceux de Mutu et de Marica.

Lors du transfert de Mutu du Dinamo à l’Inter, 4,9 millions se sont évaporés, l’Inter ayant payé 7 millions et le Dinamo n’en ayant annoncé que 2,1. Le reste a disparu entre les mains des frères Becali.
Même chose lors du transfert de Ciprian Marica du Dinamo au Shakhtar Donetsk. Le Dinamo a enregistré 2,6 millions, alors que l’équipe de Mircea Lucescu annonce en avoir payé 7,8.

Bien d’autres transferts sont étudiés, notamment ceux de Tiberiu Ghioane (du Tractorul Brasov au Dynamo Kiev), de Ianis Zicu (du Dinamo à Parme), de Marius Niculae (du Dinamo au Sporting Lisbonne), de Claudiu Niculescu (du Dinamo au Genoa), d’Adrian Iencsi (du Rapid au Spartak Moscou), de Liviu Ciobotariu (du Dinamo au Standard de Liège) et de Flavius Stoican (du Dinamo au Shakhtar Donetsk). Au total, ce sont plus de 8 millions d’euros qui auraient été détournés lors de ces transferts (sans compter les cas Mutu et Marica). Et comme vous avez pu vous en rendre compte, le Dinamo est en mauvaise posture.

Ce qu’il faut aussi savoir, c’est que cette enquête ne couvre que la période 1999-2005, mais que les transferts douteux ne se limitent pas à cette époque. Les premiers cas se sont en fait avérés dès 1990, juste après les événements de 89 (difficile de savoir quoi que ce soit avant, puisque de toutes manières, tout allait à l’Etat).

Le transfert de Gheorghe Hagi est sujet à controverse, Steaua ayant déclaré moins de revenus que ce qu’à dépensé le Real Madrid (je ne dispose malheureusement pas du chiffre du Real sur ce transfert). 1990 a été une année riche, puisque les frontières ouvertes, les joueurs se sont exilés par dizaines. Le Dinamo et Steaua ont cédé pratiquement tout leur effectif cette année-là. Les joueurs signaient leurs contrats sur des capots de voitures, c’était l’orgie. Les détournements n’ont pas dû manquer.

Un cas magnifique a également été jugé l’an dernier. C’est celui de Gica Popescu (qu’on retrouve dans l’affaire actuelle, tiens tiens…) lors du transfert de Daniel Pancu du Rapid à Galatasaray. Le club turc a payé 1,7 millions de dollars, tandis que le Rapid n’avait enregistré une rentrée d’argent de 100 000 dollars seulement! Popescu a finalement été condamné à payer 400 000 euros à l’Etat, ce qui représente les impôts non payés sur les commissions reçues lors de ce transfert. Il a également perdu sa licence d’agent FIFA dans l’affaire.

par PJ, 18.01.2008 à 10h18   | Citer

J’adore la précision de la stat 88% des personnes interrogées…

Sourire

par Qui©he, 19.01.2008 à 16h40   | Citer

Ca prouve bien à quel point les gens pensent que la justice ne fera rien…

par PJ, 19.01.2008 à 17h23   | Citer