Une Espagne décomplexée

01a.jpgUn nuit déchaînée. Une pelouse rapide. Des joueurs qui en veulent. Un match parfait. Quoiqu’il arrive dimanche soir, l’Espagne a définitivement gommé sa réputation non-usurpée d’équipe de « petits bras ». Exit les nombreuses et diverses malédictions. Exit le pessimisme général et le défaitisme généralisé. Exit les larmes avant l’heure et les complexes de toujours. Car le temps est venu d’admirer et d’applaudir l’une des seules sélections d’Europe qui n’a que très rarement trahi son style de jeu tout au long de son histoire. Elle qui s’est refusée à s’engouffrer dans la brèche ouverte par les déprimants Grecs en 2004. Le sélectionneur danois a surnommé les Espagnols durant les qualifications de « Brésiliens d’Europe ». Ce n’est pas faux, mais un peu réducteur, car au-delà des grigris et autres gestes techniques, il y a aussi un savoir-faire tactique hérité des meilleures écoles européennes. Oui, cette sélection est un condensé des meilleurs aspects de la Vieille Europe. Ami suisses, français, portugais, italiens et britanniques, je vous propose d’oublier le maillot rouge et le nom de cette sélection et juste de contempler le jeu et l’envie des joueurs, sans préjugés. Dites-moi franchement, ne voudriez-vous pas voir triompher une telle équipe offensive et technique, histoire de contredire les supporters des défenses fermées et des longs ballons qui prétendent encore que le foot est autre chose qu’un art et des émotions ?

L’Espagne a eu la main-mise sur le match dès la toute première minute de jeu. J’ai longtemps pensé qu’il ne s’agissait que d’un mirage tactique russe et que le grand Hiddink nous mijotait une crasse depuis le banc de touche. Alors j’ai attendu, inquiet, tendu, stressé. Mais rien ne s’est produit. Ou plutôt, tout est venu d’un seul côté dans une même direction. La ‘Roja’ était impériale sur la pelouse. Bien sûr, il y eut ce moment de flottement lorsque ‘El Guaje’ Villa s’est blessé sur le coup-franc et qu’il fut remplacé par Cesc. En ne laissant qu’une pointe en attaque, Aragonés diminuait grandement notre pouvoir de finition. Cela permit aux Russes d’émerger et de se faire voir. Un autre mirage. La ballon appartenait aux Espagnols et c’est en le faisant circuler qu’ils ont fini par tisser une « courte » victoire de 3-0. Oui, courte car l’addition aurait tout aussi bien pu être plus salée si l’arbitre n’avait pas décidé de laisser ses cartons dans la poche et le sifflet au poignet.

Il est temps de désigner les héros et les méchants de l’histoire. Dans la première catégorie, je citerais en premier lieu Senna. Tout simplement énorme. L’Hispano-brésilien aligne depuis le début de la compétition des performances hors normes, comme si la saison de foot ne faisait que commencer. Il est d’une certaine manière le grand architecte du jeu espagnol à travers ses récupérations et ses relances intelligentes. Le milieu du Villarreal, normalement d’un profil plus offensif, est à n’en pas douter le milieu défensif qui manquait à la ‘Roja’ pour prétendre à un titre majeur. La Juventus lui fait du pied depuis quelques semaines. Tu m’étonnes…
04.jpgJe citerais ensuite les deux phénix ibères. Iniesta et Ramos. L’un comme l’autre, leurs prestations durant cet Euro laissaient à désirer et étaient à mille lieux des véritables qualités de ces deux génies précoces. Mais tout cela est oublié après la démonstration de hier soir. Le Culé nous a laissé une belle démo de tout ce qu’il est capable de faire. Accélérations, passes, une-deux, vision de jeu, technique… La gastro qui lui avait fait perdre 4 ou 5 kilos avant le début de l’Euro est maintenant oubliée. Quant au Merengue, un malentendu avec Aragonés l’avait plongé dans un état de confusion lors de ces derniers matches. Mais hier soir, c’est l’authentique Sergio qui était de sortie. Il transforma son aile en une belle autoroute personnelle, sans jamais oublier de couvrir les quelques incursions russes.
Je ne peux pas tous les citer, mais je ne veux pas oublier les performances de grande classe des Xavi, Puyol, Fàbregas, Silva, Güiza et Casillas. Même si le gardien ibère aura eu bien moins de travail que prévu, il nous a prouvé, une fois encore, que ses réflexes quittent toujours le vestiaire en même temps que lui. Sa main providentielle sur le coup de tête de Sychev en est la preuve. Quel monstre.

Du côté des déceptions, sans vouloir tomber dans la facilité, je citerais bien entendu Arshavin. Qu’est-ce qu’on en a mangé de l’Arshavin depuis quelques jours… Le numéro 10 russe a déboulé dans cet Euro comme une rafale de vent qui menacerait de tout renverser sur son passage. Mais tout comme ce coup de vent, sa présence ne fut qu’éphémère. Je reconnais volontiers qu’il m’avait laissé pantois lors de son match contre les Pays-Bas, mais je pense que certains l’ont placé sur un piédestal un peu trop vite. Arshavin a beaucoup de talent, c’est sûr. Mais jouer contre la « petite » Suède, face à la défense en pâte à modeler batave et remporter la Coupe UEFA ne fait pas de vous un nouveau Maradona. Avant de juger définitivement ce joueur de 27 ans (à la marge de progression très restreinte), encore faudrait-il le voir évoluer dans un gros championnat et en Ligue des Champions. Peut-être l’année prochaine au Barça ?
Même constat pour Pavlyuchenko, joueur qui, soi-dit en passant, est suivi par le Real Madrid depuis février. Après une bonne première mi-temps, l’attaquant russe a complètement disparu en deuxième partie de rencontre. Je pense que ce dernier dépend beaucoup trop de l’inspiration d’Arshavin pour briller. Cela lui aura été fatal hier soir.

081.jpgBien entendu, les principaux coupables du mauvais jeu russe sont Aragonés et ses hommes. Je réitère ce que j’ai déjà écrit dans un commentaire, à savoir que Luis a vaincu Hiddink à travers le tableau noir. Sa défense en zone soutenue à tout instant par le multi-pulmonaire Senna a étouffé des joueurs comme Arshavin ou Zyryanov. Quant à l’une des révélations de cette compétition, le latéral gauche Zhirkov, il n’a jamais su arrêter Iniesta et n’a pas pu passer Sergio Ramos.

L’Espagne aura donc la possibilité de remporter l’Euro pour la troisième fois de son histoire. En face, les efficaces teutons de Löw. Sur le papier, il n’y a pas photo. Les Ibères ont un meilleur gardien, un milieu de terrain beaucoup plus créatif et une attaque de classe mondiale. Mon seul doute concernait la défense, mais je dois dire que celui-ci a fini par se dissiper. Tout cela sur le papier, car la réalité est souvent un peu plus complexe. Les Espagnols devront rééditer les bonnes performances obtenues jusqu’ici. Nous aurons besoin de notre meilleure arrière-garde et d’un grand Senna pour cimenter la victoire. La pression sera grande, mais pas plus que celle rencontrée dans des clubs comme le Real, le Barça ou Liverpool. Je suis convaincu que cette finale sera gagnée ou perdue par les Espagnols. Pour ce que j’ai pu voir des Allemands durant cet Euro, la ‘Roja’ devrait partir dimanche comme la grande favorite.

Podemos !!

Photos: MARCA

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Espagne | Euro 2008 | Russie

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Son 3ème euro?

Je me méfie comme de la peste des allemands… mais je maintiens ce que je dis dès le début, si l’espagne passe l’italie en quart, elle gagnera le tournoi…

Cette équipe était déjà très bonne lors du dernier mondial, mais un peu jeune, maintenant elle a gagné en maturité, les joueurs se sont exportés à l’étranger et on pris à prendre des responsabilités dans leur clubs respectifs…

Si par bonheur elle pouvait remporter la finale de dimanche, je crois que ce serait le début d’une grande période…

par Lolindir, 27.06.2008 à 10h42   | Citer

Moi aussi j’ai une belle photo de supporter (un de ceux qui n’a peur de rien pour afficher ses « affinités ») et ça vient pas de Marca…
Tristelune

par Jeje, 27.06.2008 à 10h52   | Citer

On ne dit pas « des joueurs espagnols se sont exportés à l’étranger », on dit « des joueurs espagnols se sont exportés à Liverpool »! ;-) )))

par PJ, 27.06.2008 à 10h57   | Citer

Au fait, en cliquant sur « c’est arrivé un 27/06″, on tombe sur un magnifique « 2006: avant France-Espagne, les Bleus regaillardis ».
Putain c’est long 2 ans! ;-) ))))))

par PJ, 27.06.2008 à 10h59   | Citer

L’espagne a été impressionante dans la maitrise du match.Sous un déluge, elle a gagné la bataille technique, tactique et physique.Ca c’est pour la seconde mi-temps parce que la première mi-temps c’était une tout aurte histoire.Un match ennuyeux, des russes fatigués qui ne voulaient pas s’offrir à l’espagne car le 4 à 1 du match de poule a marqué leur esprit et on sentait la bande à Aragones tendue.
Finalement c’est le premier but qui a tout déclenché et la rentrée de Fabregas, que se serait-il passé si Pavlyuchenko ne s’était pas loupé à 5 m des buts ?
Enfin, bravo à l’espagne qui produit du jeu surtout lorsque Fabregas rentre, il fait la dif à chaque fois.
Les russes m’ont déçu mais je les ai trouvé trés fatigués.
Domingo, Viva Espana

par fabulousfab, 27.06.2008 à 11h10   | Citer

Victoire et qualif méritées pour l’Espagne. Rien à dire, ils ont été supérieurs dans tous les domaines … Je suis un peu triste pour les russes qui terminent l’Euro comme ils l’avaient commencé …
Sinon, les espagnols ne réussissent décidément pas aux équipes issues de l’ex-URSS … Déjà l’Ukraine en 2006 en avait pris 4 …

Quoi qu’il en soit, je me range derrière l’Espagne pour la finale ! Olé ! ;)

Sinon, très joli billet Tristelune ! (très partisan mais très joli … surtout la dernière photo) ;)

Juste une remarque, Pavlyuchenko a su brillé en l’absence d’Arshavin face à la Suède … Bon, c’était la Suède … ;)

par Xaxou, 27.06.2008 à 11h33   | Citer

Jéjé > ‘foiré… je sais qui remercier pour la photo… :-)

Lolindir > ben oui… c’est sa troisième finale… 64, 84 et 08

PJ > très juste ! :-)

par Tristelune, 27.06.2008 à 11h59   | Citer

Un p’tit copier-coller du site de l’équipe :

« Demi-finalistes de l’Euro, les joueurs de l’équipe de Turquie vont toucher chacun 450 000 euros. C’est le montant total des primes versées par la fédération pour la totalité du parcours des hommes de Fatih Terim. En cas de victoire à l’Euro, les Espagnols toucheront 214 000 euros contre 250 000 euros pour les Allemands. C’est donc bien moins que ce que percevront les Turcs, où même les Croates (300 000 euros). Les Russes ont touché 120 000 euros. »

Radine la fédération espagnole ?

par kijux, 27.06.2008 à 16h23   | Citer

Si on se projette en finale, on constate que l’Espagne marque beaucoup de buts mais surtout en encaisse peu, très peu. En grande partie, parce que les Espagnols se doivent d’avoir le ballon dans les pieds. Deux des trois buts encaissés l’ont été sur coups de pied arrêtés…suivez mon regard…les Allemands sont les meilleurs dans l’exercice notamment dans cet Euro, les Portugais peuvent en témoigner…dans un match équlibré, les coups de pied sont décisifs, surtout en finale alors…affaire à suivre

par Balbo, 27.06.2008 à 16h24   | Citer

L’Espagne est sous un bon signe cette année , s’ils perdent dimanche c’est qu’ils auront craqué mentalement pour passer à côté du match ou parce que les Allemands auront eu 300% de réussite en transformant leurs rares occases ou coups de pied arrêtés.
Ceci dit , ça reste une finale , donc vu la pression de l’enjeu , c’est à souhaiter qu’il y’ait un but rapidement , sans quoi , même si l’Allemagne c’est costaud , et l’Espagne beau et rapide , on sera plus proche d’Italie-Espagne que de Russie-Espagne !
Dans ce contexte, je vois bien une petite victoire 1-0 de l’Espagne qui n’aura pas livré son meilleur match mais qui aura mérité sa couronne sur l’ensemble de la compétition face à une Allemagne bien en place qui aura livré un match solide mais sans imagination !

par Nokomment, 28.06.2008 à 17h16   | Citer