Le rôle des défenseurs a vécu en perpétuelle mutation ces dernières décennies. Dans ce sport dynamique qu’est le football, chaque poste connaît des changements avec le temps. Mais celui de défenseur, et notamment de latéral, soulève une question intéressante: le latéral doit-il être meilleur attaquant ou défenseur? Une question qui n’appelle pas forcément de bonne ou de mauvaise réponse, mais qui montre à quel point la notion de latéral est variable d’un joueur à un autre, mais surtout d’un système de jeu à un autre.
Il y a encore quelques décennies, la réponse était claire, le défenseur était un défenseur, point. Dans les années 50, et même plus tard, les études tactiques n’étant pas extrêmement développées à cette époque, le équipes jouaient principalement en « WM », c’est-à-dire en 3-2-2-3. La ligne de défense était donc composée de 3 joueurs (la base du « M »), les deux latéraux et le central. Chaque latéral marquait donc l’ailier adverse, et le central s’occupait de l’attaquant de pointe.
C’est lors de la Coupe du Monde 1950, disputée au Brésil, que les schémas établis ont pour la première fois été bousculés. Le talent extraordinaire des attaquants brésiliens et leur vitesse supérieure à ce que l’on connaissait alors en Europe ont rapidement pris le dessus sur les défenses adverses. Ademir de Guia, le meilleur buteur de la compétition, était rapide, se retournait très vite, tirait des deux pieds avec la même puissance et la même précision, était bon de la tête. Le constat s’imposait alors: un seul défenseur ne suffisait plus pour contrer un tel type de joueur.
Puisqu’un défenseur ne suffisait plus, la réponse apportée a été toute simple, il fallait en ajouter un autre. C’était ainsi qu’a été introduit un quatrième joueur au centre de la ligne arrière. Un défenseur central pouvait alors rester au marquage de l’attaquant adverse pendant que l’autre avait toute latitude pour défendre son camp.
Une efficacité défensive évidente ressortait de cette ligne de 4 joueurs. Mais elle a une autre conséquence, plus inattendue. Grâce à la protection supplémentaire offerte par le second central, les latéraux ont peu à peu observé qu’ils avaient plus d’espace pour éventuellement participer aux phases d’attaque. C’est ainsi que dans les années 50, les Brésiliens Nílton Santos, à gauche, et Djalma Santos, à droite, montaient régulièrement en attaque avec leur équipe nationale.
Un homme a alors rapidement compris l’avantage qu’il pouvait tirer de cette situation. C’est Alf Ramsey (photo), le manager de l’équipe nationale anglaise. Excellent défenseur de l’équipe nationale jusqu’à sa retraite en 1955, date à laquelle il passa entraîneur à Ipswich, c’est lui qui emmena l’Angleterre à la victoire lors de la Coupe du Monde 1966. Lors de ce Mondial, son équipe jouait en 4-4-2. Ramsey a observé que si les défenseurs latéraux pouvaient jouer un rôle important en attaque, il n’avait pas besoin d’ailiers. Des milieux comme Alan Ball ou Martin Peters ne quittaient donc que très rarement leur zone, n’apparaissant qu’à la conclusion des actions. Cette disposition, si classique aujourd’hui, était considéré comme une hérésie à l’époque en Angleterre. A l’aube de la Coupe du Monde, la presse ne fait aucun cadeau à ceux qu’elle surnomme les Wingless wonders. Pourtant la victoire est au bout.
Demi-finaliste à l’Euro 68, l’Angleterre part bien préparée pour défendre son titre au Mexique en 1970. Sir Alf Ramsey s’offre les services d’un médecin permanent, chose rare à l’époque, pour préparer ses joueurs à l’altitude. Il pense surtout à améliorer son système de jeu. Avec Keith Newton à droite et Terry Cooper à gauche, il détient des latéraux-ailiers parfaitement adaptés à son système de jeu. Son équipe est peut-être plus forte qu’en 1966, son système plus abouti. Mais le coaching n’en est qu’à ses balbutiements : la possibilité de remplacer un joueur en cours de match vient perturber Ramsey. Lors du quart de finale contre la RFA, Newton est à l’origine des deux buts anglais. L’Angleterre mène 2-0 à l’heure de jeu et il croit bon de faire sortir Bobby Charlton. Les Anglais désorganisés s’inclineront finalement 2-3 après prolongations. Le projet de Ramsey avait ses avantages, mais aussi des inconvénients. A son retour du Mexique, on lui reproche d’avoir fait évoluer ses wingless wonders dans une tactique trop prudente. Dans les années qui ont suivi, les défenseurs anglais ont retrouvé un jeu plus académique, basé sur la défense.
Pendant ce temps, au Brésil, les latéraux voyaient leur rôle offensif devenir de plus en plus important. Les joueurs de l’équipe nationales n’étaient d’ailleurs pas répartis dans 4 catégories (gardiens, défenseurs, milieux et attaquants) mais en 5: gardiens, défenseurs centraux, latéraux, milieux et attaquants. Le rôle des latéraux était donc à part. En fait, les milieux de terrain occupaient un espace restreint, tandis que des couloirs assez larges étaient laissés aux défenseurs latéraux, couloirs qu’ils devaient occuper tant en attaque qu’en défense.
Ce système toujours en place a apporté nombre de latéraux plus ailiers que défenseurs, jusqu’aux Roberto Carlos, Maicon ou Daniel Alves que l’ont voit évoluer aujourd’hui. Des joueurs à la situation intéressante puisque malgré des lacunes évidentes, et souvent critiquées, sur le placement défensif, ces joueurs font (ou ont fait) partie des plus côtés à leur poste. Leur seul apport offensif contribue à cet engouement, même si cela peut nuire au travail défensif du collectif, comme on l’a vu avec Roberto Carlos à Madrid. Hier, celui-ci faisait partie des Galactiques, aujourd’hui, le Barça débourse 29 millions d’euros pour Daniel Alves ou 15 millions pour Abidal. Des sommes habituellement déboursées pour des joueurs offensifs.
Cette école ne correspond cependant pas à tous. José Mourinho par exemple, a semblé tenir à Chelsea à une ligne compacte de 4 joueurs. Ashley Cole, qui montait souvent à Arsenal, était moins porté à le faire chez les Blues. Avec Scolari aux commandes, Cole et Bosingwa ont aujourd’hui un rôle offensif beaucoup plus important. Et plus approprié à leur style de jeu, même si la formation à l’anglaise a permis au Britannique d’avoir un jeu défensif assez étoffé.
Car les Anglais tiennent à l’aspect défensif. Pour exemple, le recrutement il y a trois ans par Manchester United de deux frères jumeaux: Fábio Da Silva, latéral gauche, et Rafael Da Silva, qui joue à droite. Internationaux -17 avec l’équipe du Brésil, les deux joueurs ont traversé l’Atlantique sans avoir disputé le moindre match avec l’équipe première de Fluminense. Le but: améliorer leur jeu défensif avant qu’il ne soit trop tard. Sir Alex Ferguson tenterait ainsi d’en faire de simples latéraux défensifs. Il est vrai qu’à part Evra, les autres latéraux (Neville ou Brown) ne sont pas très portés sur l’attaque. Cette saison, Fábio a joué pour la première fois en Premier League. Son frère, qui avait plus impressionné les recruteurs à l’époque, a lui plus de mal à s’adapter au jeu anglais.
Un merci tout particulier à Terryble pour son aide dans la rédaction de ce billet!
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19 commentaires
Déjà dit en off, mais super excellentissime article !!!! Je suis sur le cul …
Je me suis souvent interrogé sans réussir a mettre
en forme sur ce sujet. C’est en effet une caractéristique capitale dans le foot moderne (finalement plus qu’une ou deux pointes ou jouer avec ou sans N°10). Mon dernier club avant ma blessure, jouait avec deux vrai pistons qui faisaient les aller-retour. Quel poste ingrat et difficile. Les latéraux sont souvent nos cibles privilégiés car sont de plus en plus exposés. ils doivent courir vite (d’un bout à l’autre du terrain), longtemps (90 min a bouffer 100 mètres de lignes c’est long), posséder des vrais qualités de défenseur (plus tactique de couverture et de placement que de pur stoppeur avec une récupération, il est vrai, mais tout de même) et d’ailier (qualité de centre et voir
même de buteur). Du coup, c’est un truc de fou parce qu’il te faut un mec rapide, technique, qui sait défendre, centrer et marquer … C’est certainement lui le footballeur moderne par sa polyvalence.
Bravo encore pour la qualité de l’article !
Excellent article !!! C’est actuellement un des rares postes qui permet vraiment de faire la différence et d’amener le surnombre en attaque… et je profite également pour souligner que l’un des meilleurs latéral qu’ait connu le monde était Giacinto Facchetti, ancien de l’Inter qui a absolument tout gagné avec son club. Il a notamment mis 10 buts lors de la Ligue des Champions de l’époque où l’Inter était roi d’Europe (dans les années 1960 si je ne m’abuse)… Il fut en quelques sortes, le parrain des Roberto Carlo et autres Dani Alves que l’on connaît aujourd’hui…
Exact pour Facchetti, merci pour ce rappel Doga. C’est vrai que comme je ne connais pas vraiment le foot italien, je me suis concentré sur ce que je connaissais le mieux pour cette petite étude.
On pourrait bien sur citer une quantité de latérale absolument monstrueux! J’aime bien Riise dans le style bristish…bien qu’il soit norvégien.
Excellent article en effet !!! félicitation
Défenseur ou attaquant ? ça ne dépend pas forcément de la tactique mais aussi du joueur et de son vécu…arrière latérale c’est presque la place de la brèle en équipe de jeune (les bons jeunes sont soit libéro soit attaquant) ce qui fait que rares sont les latéraux pro à l’avoir été depuis qu’ils ont chaussé les crampons. Les anciens défenseurs centraux (Thuram, Abidal…) sont beaucoup plus défensifs que leurs homologues ancien milieu offensif (Evra, Belhadj…)
Et comment expliquer la différence entre la qualité générale des latéraux gauches et droits au plus haut niveau ?
Gauche : Carlos, Lizarazu, Riise, Cole, Maldini ….
Droit : Sagnol, …
Bref sans faire une liste exhaustive, il y a clairement un écart entre les deux. D’ailleurs dans les club trouvé un latéral droit n’est pas chose facile …
Je pense différemment, pour moi il y beaucoup d’arrière droit mais à un niveau homogène alors qu’à gauche c’est une vrai lutte des classes entre les bons et les pas bons, ce qui fait que l’arriére gauche est souvent le talon d’achille des équipes moyennes ( regardez en edf, il y a Sagnol, Sagna, Clerc, Chimbonda, Diarra, Réveillére qui ont évolué à droite depuis 2 ans contre les seuls Evra et Abidal à gauche (avec peut-être Escudé?)).
Pour répondre à ta question : Et comment expliquer la différence entre la qualité générale des latéraux gauches et droits au plus haut niveau ?
Peut-être que la réponse est la même que pour la supériorité des pongistes gauchers sur les droitiers…
y a une théorie en effet. J’ai lu un article sur l’escrime lorsque j’avais le plaisir de pratiquer ce beau sport. La partie du cerveau qui gère la vision étant placée dans l’hémisphère droit, les gaucher sont naturellement avantagé en terme de rapidité de réponse (lobe droit commandant la partie gauche du corps). Autant pour les sports comme l’escrime, le ping-pong ou encore le tennis (notez le nombre de gaucher au plus haut niveau dans ce sport), mais pour le foot je vois pas ce que c’est capacité à réagir plus vite (c’est en millième de secondes, hein !!), peut jouer ?? surtout pour centrer ou courir …
Bravo pour l’article et la question posée!
Le poste de latéral est mis en avant notamment par les statistiques lues dans un certain journal. Depuis le début de championnat de L, ce sont trois latéraux qui touchent le plus de ballons (Morel, Taiwo et Jallet). Ce qui prouve leur participation dans la construction au jeu. Après tout dépend de l’aspect tactique d’une équipe. On note également souvent que les arrières latéraux ne sont pas toujours formés pour ce poste spécifiquement.
Et puis, dans toutes les équipes du football amateur, ne positionne-t-on pas les joueurs les moins doués au poste d’arrière latéral…? Quelle injustice aux yeux des caractéristiques à posséder, révélée par cet article
Excellent article… qui motive pour la saison à venir:
depuis que je suis passé de milieu défensif à latéral, j’ai du mal à trouver la motivation de bouffer de la ligne pour ne pas toucher le ballon… ni en défense (embettant pour l’équipe), ni en attaque (tt le monde doit maitriser pour pousser les actions dans les angles…
Bref… la position acquiert ses lettres de noblesse je vais l’imprimer pour mon équipe…
Super article !
En Latéral droit, il y a eu Patrice Carteron si je ne m’abuse … Un joueur largement sous-estimé, qui en plus mouillait le maillot comme personne … C’est un des joueurs français que je préfère sur les 10-15 dernieres années .. (et je suis sérieux là)
xaxou : tu as bcp d’humour aujourd’hui !
pas mal le coup de carteron ;=), très bon même ^^
(si je le vois dans cannes je lui dirais que sur parlons foot il a un supporter, celui lui fera plaisir, car en ce moment, c’est pas la joie pour lui à cannes^^)
Article de très grande qualité!
@ Terryble et les autres qui s’interrogent sur le déséquilibre entre latéraux gauche et droit: il y a certainement quelquechose à chercher à la base, dans les équipes jeunes. On cherche généralement un gaucher pour jouer à gauche, or ils ne sont pas légions. Donc on les incité généralement à jouer sur le côté… ce qui pourrait expliquer qu’il y a ait de mailleurs spécialistes du côté gauche. Mais ça n’est qu’une suggestion.
[...] dans la plus pure tradition brésilienne (voir l’article sur le poste de latéral sur le site parlonsfoot), le latéral très offensif apporte en percussion et en vitesse sur son côté. Il complète [...]
le rôle d’un défenseur
BRAVO!!!je me suis régalé,sa m’aide comme je suis un lattérale droit qui tante de faire carriére de le foot
larticle etai exelen,en tan q lateral jme dmand si js8 defenseur ou ataqan
bonjour a tous!
je me pose beaucoup cette question : j’explique!
j’ai été 2 ans dans un club de niveau moyens ou je jouait le poste d’Attaquant, j’ai mis 23 buts en 21 matchs grace surement a ma vitesse qui etait ma principale qualité, chacun me le disait, maintenant, j’ai changé de club, j’ai ete teste et mon entraineur m’a demandé de tester latéral gauche ( je suis gaucher), il a vu ma vitesse et ma dit que c’etait mon couloir et que je pouvais monter quand je le souhaiter, etant Attaquant dans les anness precedents, j’aime bocou aller dans le sens du but et j’adore ce poste desormais mais c’est vrai que ensuite avoir aider offensivement il faut retourner a sa place defendre ensuite, c’est epprouvant physiquement mais c’est tres interessant comme poste je trouve, je joue en Excellence cette année a Balma et je vais surement jouer ce poste….
merci pour votre article …je veux poser une question c’est forcement qu’un lateral doit etre offensif? Ou bien c’est dans certain cas