le 12 février 2009 à 19:35Bienvenue nulle part

Peut-être avez-vous vu Le terminal, ce film avec Tom Hanks qui retrace l’histoire vraie d’un homme bloqué des années durant dans une salle de transit de l’aéroport JFK pour un problème de visa. Et bien cette histoire s’est reproduite il y a deux semaines, à moindre échelle, à l’aéroport Henri Coandă de Bucarest. Le protagoniste de cette plongée dans l’inconnu est Moises Soares, un latéral droit portugais de 24 ans. Evoluant au Club de Futbol Benfica, en 4e division portugaise, Soares est venu en Roumanie est venu passer des tests à Câmpia Turzii, un club de 2e division. Mais son voyage s’est arrêté à l’aéroport. Pour deux jours.

Contacté par un certain Ciprian pour effectuer des tests chez la lanterne rouge du groupe 2 de deuxième division, Soares est arrivé un mardi à Bucarest… où personne ne l’attendait. «Je n’ai pas d’argent. Je m’allonge sur les sièges pour dormir,» a raconté le jeune joueur à des journalistes venus à sa rencontre après deux jours d’attente. «J’ai parlé avec Ciprian samedi, et nous avons convenu que j’arrive mardi. Mais depuis, je n’arrive plus à l’avoir, son téléphone est éteint. Mais je suis sûr que quelqu’un va venir me chercher, je ne peux pas croire que je vais rentrer comme ça au Portugal. En fait, je n’ai rien pour rentrer, parce que Ciprian m’a dit de ne prendre qu’un aller simple, et je n’ai pas d’argent pour prendre un billet retour,» a-t-il avoué ensuite, les larmes aux yeux.

Pour que l’affaire soit complète, les dirigeants du Mechel Câmpia-Turzii, ex-ISCT, un club en très grandes difficultés financières, nient avoir entendu parler du joueur: «Aucun joueur ne nous a été proposé, et je n’ai jamais entendu parler de ce Soares,» a déclaré Bogătean, le président du club. «Il n’est pas question d’engager des joueurs, nous ne savons même pas si nous allons pouvoir continuer en Liga 2.» La résolution du cas Soares ne passera donc pas par le Plateau de Turda.

Les aventures de Soares en Roumanie prennent un nouveau tournant jeudi, avec l’arrivée d’un ami du fameux Ciprian à l’aéroport. Contacté par des journalistes, Moises Soares est rassuré: «Tout va bien maintenant. Un ami de Ciprian m’emmène à Galaţi. Je ne sais pas dans quelle équipe.» Enfin identifié et contacté, Ciprian, agent de joueurs de profession, affirme que les responsables de cette situation sont les dirigeants du Victoria Bod, un obscur club de 3e division, qui «m’ont dit qu’ils avaient besoin d’un latéral pas cher, et à qui j’ai proposé Soares.» Ce que, évidemment, Adrian Hârlab, l’entraîneur du club, dément avec véhémence: «Nous n’avons demandé aucun joueur. J’ai lu la triste histoire de ce joueur, mais en aucun cas il ne peut être engagé chez nous.»

Contacté une nouvelle fois, le joueur portugais est arrivé… autre part! «Nous ne sommes pas à Galaţi, nous sommes dans une autre ville. Où? Je n’en sais rien. Il m’a dit le nom de l’équipe, mais je l’ai oublié.»

Malheureusement, nous n’en sauront pas plus, les journalistes n’ayant pas trouvé intéressant de suivre le joueur portugais dans son aventure. C’est vraiment dommage. Parce qu’après avoir beaucoup parlé de Maradona ou Messi cette semaine, cette histoire rappelle que le foot n’est pas fait que d’histoires idylliques, qu’on est parfois plus proches des traites négrières que de l’aide à des joueurs et que des agents véreux peuvent être prêts à tout. Pour un joueur bien épaulé, combien sont floués, abandonnés sans papiers ou visas, ou envoyés se perdre au Tadjikistan ou en Indonésie?