La chute du communisme en Europe de l’Est a eu des conséquences énormes sur le football des pays concernés. Conséquences qui sont encore visibles aujourd’hui. Sur le fonctionnement de certains clubs, les clubs dits «départementaux», c’est-à -dire les émanations de départements d’Etat: le Dinamo Bucarest, club du Ministère de l’Intérieur roumain par exemple. Créés, gérés et soutenus par différents ministères, ces clubs sont passés, souvent avec difficultés, au statut de club tenu par des actionnaires.
Ces difficultés apparaissent évidemment sur le terrain dès le début des années 90. Les meilleurs joueurs s’échappent vers des clubs occidentaux, et le manque d’argent se fait cruellement sentir. Les années 90 sont une décennie à oublier pour les clubs est-européens. A ce titre, la victoire de l’Etoile Rouge de Belgrade en Coupe d’Europe des Clubs Champions en 1991 se révèle être un chant du cygne, avant une période de transition qui durera une bonne dizaine d’années.
Une autre conséquence du passage à l’économie de marché telle qu’on la connaît est toujours visible: celle de l’affluence dans les stades. Je suis tombé récemment sur un document présentant les affluences de certains clubs de l’Est lors de la saison 2007-2008, et le choc est certain. Des stades de plus 50 000 places, qui étaient pleins à craquer avant 1989, sont aujourd’hui pratiquement vides. Le club qui s’en sort à peu près le mieux est Steaua Bucarest, avec une affluence moyenne pourtant encore inférieure à 50% de la capacité du stade: 11 764 spectateurs pour 27 557 places à Ghencea (photo ci-dessous).
Derrière, on trouve le Sparta Prague, avec une affluence moyenne de 9 378 spectateurs pour 20 854 places. Le Dynamo Kyiv suit, avec 8 383 spectateurs pour une capacité de 16 873 places, capacité qui sera bientôt portée à 30 000 places! Même chose pour le Legia Varsovie, qui compte 8 333 spectateurs pour 13 628 places, la seule moyenne à plus de 50% de la capacité maximale, mais pas pour longtemps puisque le nouveau stade du club comptera 31 800 places. Dans la suite de ce classement se trouve le Dynamo Zagreb (7 165 spectateurs pour 37 168 places), le Partizan Belgrade (6 556 spectateurs pour 32 710 places, bientôt 36 000), le CSKA Sofia (5 313 spectateurs pour 22 015 places, bientôt 30 000), l’Etoile Rouge de Belgrade, qui affiche une moyenne de 5 167 spectateurs pour une capacité de 54 000 places, soit moins de 10% de la capacité du stade, le Dinamo Bucarest (4 441 spectateurs pour 15 600 places), le Slovan Bratislava (3 085 spectateurs pour 30 085 places, bientôt 35 000), le Honved Budapest (2 250 spectateurs pour 9 500 places), le Dinamo Minsk (1 977 spectateurs pour 41 040 places) et la Dinamo Tbilissi, avec le record extraordinaire de 1 220 spectateurs de moyenne alors que le stade Boris Paichadze comporte 55 000 places!
Les taux de remplissage des stades sont aujourd’hui extrêmement bas, alors qu’on refusait du monde à l’entrée des stades avant la chute du communisme. Certaines images d’époque montrent même des matchs disputés au Stade du 23 Août de Bucarest, le stade national, où les spectateurs massés sur la piste d’athlétisme devaient se pousser pour permettre aux joueurs de tirer les corners! Comment expliquer cette chute vertigineuse des affluences? Elle tient avant tout sur des facteurs économiques et sociaux. Le niveau de vie a connu une grande dégradation dans les pays de l’Est après 1989 pour une bonne partie de la population. Les faibles revenus additionnés à des prix en constante hausse ont éloigné le peuple des stades. L’aspect sportif y est également pour beaucoup. Le niveau faiblissant de ces équipes sur le plan européen a largement diminué leur intérêt. La dissolution de l’URSS a également fait beaucoup de mal aux clubs des ex-républiques soviétiques. L’exemple du Dinamo Tbilissi est criant. Autrefois double champion d’URSS, le club évolue aujourd’hui dans le faible championnat géorgien. Le niveau des matchs est donc loin des joutes d’antan contre les équipes moscovites. Et l’aspect «nationaliste» (Géorgie contre le pouvoir russe) que prenaient ces matchs a disparu lui aussi. Seul l’aspect purement sportif pousse à aller au stade aujourd’hui. Et comme il n’intéresse que peu, le plus grand stade géorgien n’a que peu de chances de voir ses plus hauts sièges chauffer sous des fondements géorgiens tressaillants. Un autre facteur, à ne pas négliger même si on n’y pense pas forcément quand on ne connaît pas bien le fonctionnement des pouvoirs communistes, est le zèle que ces autorités mettaient pour remplir les stades. Le sport étant perçu notamment comme un important facteur de communication sur la santé du pays, les autorités amenaient les ouvriers directement de l’usine au stade, comme elles les poussaient à rejoindre les manifestations de soutien au pouvoir. Forcément, remplir de grandes arènes semble ainsi plus simple…
Une exception réside dans cette règle: la Russie. La liste de clubs plus haut ne comporte ainsi pas les clubs russes. Et pour cause, ceux-ci se portent très bien! C’est l’exception à cette règle. Grâce à l’apparition des magnats du pétrole, les anciens clubs d’Etat russes ont connu une évolution surprenante ces deux dernières décennies. Jusqu’à remporter la coupe UEFA par deux fois, avec le CSKA Moscou en 2005 puis le Zenit St-Pétersbourg en 2008 (photo ci-dessous). Devenues depuis quelques années capables de rivaliser avec les meilleurs clubs occidentaux, ces équipes bénéficient de forts soutiens. Le CSKA est ainsi toujours lié à l’Armée, dont les soldats garnissent souvent l’immense Stade Luzhniki (84 745 places), et a eu pour sponsor principal de 2004 à 2007 Sibneft, propriété d’un certain Roman Abramovitch. Le Zenit bénéficie lui d’un soutien encore plus important, puisqu’il s’agit de la tête du Président Dmitri Medvedev ainsi que de son Premier Ministre Vladimir Poutine, tous deux nés dans l’ancienne Leningrad et toujours proches du club de leur ville. L’Etat russe, contrairement à ses anciennes républiques ou alliés, n’a donc pas lâché ses clubs.
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Intéressant, comme d’hab
Petite question, tu as une idée de l’évolution des prix d’entrée aux stades avant et après 89?
En Roumanie, les prix des billets augmentent depuis 89. Je n’ai pas vraiment d’idée du prix de départ à l’époque, mais c’était relativement accessible (je dis relativement parce que tout le monde ne pouvait pas non plus).
Comme ici, ça dépend un peu des matchs. Par exemple, les prix pour la LdC était exhorbitant à Bucarest (50 euros minimum pour une place en latérale) par rapport aux revenus moyens. Du coup, le stade n’était pas plein. Après, cela varie à chaque match. En moyenne, pour un match de championnat lambda, un billet à 5 euros en virage est considéré comme cher. En comparaison, mon dernier match là -bas, la Supercoupe de l’an dernier, m’a coûté… 1,50 euros.
un peu hors-sujet, mais pas tellement.
Le milieu de terrain Maximilian Nicu du Hertha Berlin (et très bon d’ailleurs) , leader de la bundesliga, né de parents roumains en allemagne a été naturalisé roumain et peut donc être selectionné par Piturca.
Très bon article Pj! interessant, complet.Ce qui est interessant sur Pf, c’est que l’on apprends une foule d’informations sur des pays que ^l’on connait assez peu.
D’ailleurs, je trouve le championnat roumain d’assez bon niveau pour avoir vu sur une chaine roumaine à Sibiu un certain Cluj-Rapid en aout passé.Que penses tu du niveau du championnat Pj?
Mon avis ne sera peut-être pas objectif, je ne sais pas, mais je pense que c’est un bon championnat. Un peu moins bon que la Ligue 1 ou le championnat russe, mais dont les équipes de tête peuvent faire face en LdC et en UEFA sans problème. Si elles sont bien gérées, ce qui n’est pas forcément le cas…
La gestion et la préparation de ces équipes sont peut être leur point faible.
Merci encore une fois PJ pour cet article mêlant Histoire et histoire du foot.
Très intéressant.
Salut PJ et les autres parlonsfootiens !
Encore un long moment sans passer, mais du coup, ça fait plaisir de revenir lire vos interventions !
Alors rapidos, pour info, un billet pour le match Building Vanju Mare – Gloria Arad, dans la poule 5 de la division 3 roumaine, coûtait en août dernier 5 lei, soit un bon euro.
Bon, vu que Building joue la montée là , ça a dû monter quand même, les prix. Ptet que c’est 7, acuma.
Bon, sinon, je viens de tomber là -dessus :
http://www.ventremousleague.com/VML/VML/gazette/02.pdf
avec cet article sur le Poli, conclu avec le merveilleux « si cet article vous a paru clair, veuillez contacter d’urgence votre médecin traitant »