Ils sont aujourd’hui légion. Depuis le début des années 2000 et l’ouverture des frontières, le championnat roumain voit arriver des footballeurs du monde entier. Devant leur désir de réussir au plus court terme possible, les présidents de clubs préfèrent aujourd’hui recruter des joueurs africains, portugais ou sud-américains, souvent de deuxième ou troisième zone, plutôt qu’un joueur du cru. Cette tendance, qui pourrait être vue comme une mode, doit en partie son origine à l’histoire roumaine. Après un demi-siècle de repli sur elle-même, la Roumanie a ouvert ses frontières en grand, en très grand même. Tout le pays succombe, dès 1990, au rêve américain. Ou plutôt au rêve sud-américain, en ce qui concerne les clubs. Les choses étaient bien différentes il y a 50 ans. L’histoire du premier étranger arrivé en Roumanie sous le communisme n’en est que plus savoureuse.
1957, la soviétisation est présente dans tout le pays, y compris le football. L’URSS a pris les commandes du pays dès la fin de la Deuxième Guerre Mondiale, grâce à des gouvernements pantins, et l’époque romantique du football roumain est terminée depuis bien longtemps. Dans cette atmosphère repressive d’installation du communisme, un club conserve une note d’aristocratie donnée par son fondateur, le baron Francisc Neuman. C’est l’UTA Arad. C’est ici, dans la pointe ouest du pays, qu’arrive le premier joueur étranger sous l’ère communiste: le Grec Christos Metskas. Ou Metscas, comme orthographié dans les journaux de l’époque.
L’histoire digne d’un roman d’aventure de ce joueur commence en 1947, dans le village de Slimnitsa, dans la région de Kastoria, en Grèce. Il a alors 12 ans. Issu d’une famille parmi les plus riches de cette région grecque, il est obligé de fuir en Albanie lors de la guerre civile. « Nous avions mis ce que nous avions de plus cher dans un coffre enterré dans le jardin, » a-t-il raconté plus tard. « Quand nous sommes revenus, il n’y avait plus rien. »
C’est dans un train de marchandises, caché avec d’autres enfants grecs dans de la paille, qu’il arrive peu après en Roumanie, via la Yougoslavie. Il apprend alors le roumain, avant d’être envoyé en camp de travail volontaire à Stefanesti, dans la banlieue de Bucarest. Nous sommes en 1949, Metskas a 14 ans. « La Croix-Rouge s’occupait de nous. On recevait deux chemises par an et un costume tous les trois ans, » raconte-t-il. Ce n’est que quatre ans après son arrivée en Roumanie qu’il retrouve ses frères, qui lui donnent assez d’argent chaque semaine pour se nourrir correctement.
C’est à cette époque qu’il commence à jouer au football, dans l’équipe de l’école, puis dans celle du Trust d’Alimentation Publique Locale, une équipe entraînée par Ionica Bogdan, ancien ailier de l’équipe nationale roumaine. C’est lui qui lui fera connaître son premier club, le Flamura Rosie (La Bannière Rouge), à Giurgiu, toujours non loin de Bucarest.
Lors de son premier match sous les couleurs de cette équipe, un match amical, Metskas est titulaire. La première mi-temps est une catastrophe. Bogdan le laisse pourtant sur le terrain. « Dès le coup d’envoi de la seconde période, j’intercepte le ballon, je dribble deux adversaires, je tire et but! » s’amuse-t-il. « J’en ai ensuite marqué deux autres. On a gagné 5-3. S’il m’avait remplacé à la pause, je n’aurais peut-être jamais joué au football! » Le flair de Bogdan a fait la première partie du travail.
Son arrivée à Arad n’interviendra cependant qu’en 1957. Il parvient à signer dans ce club, l’un des meilleurs du pays à cette époque, avec l’aide de l’un de ses coéquipiers qui envoie plusieurs lettres anonymes aux dirigeants de l’UTA leur exhortant de « venir voir absolument un joueur talentueux à Giurgiu. » Grechner, un des dirigeants de l’équipe transylvaine, se décide en fin de compte à faire le long déplacement.
Metskas ne rate pas sa chance. Grechner est rapidement conquis. Mais le transfert traine en longueur. « A Giurgiu, j’ai fini par ne plus vouloir jouer parce qu’ils essayaient de gagner du temps, » explique Metskas. « A Arad, j’ai finalement reçu l’autorisation et, pour m’assurer de ne pas avoir de problème, j’ai gardé la feuille dans ma chaussette lors de mon premier match. J’ai marqué deux buts ce jour-là! » A Arad, Metskas joue sous les ordres de Coloman Braun-Bogdan, un entraîneur jugé comme révolutionnaire pour avoir troqué le classique WM pour un système en 3-3-4. « Nous avons terminé deuxièmes, précise Metskas. « Si le Steaua ne nous avait pas battu sur son terrain, nous étions champions. »
Christos Metskas ne sera jamais champion de Roumanie. Il passe pourtant 11 ans à Arad, de 1957 à 1969, où il quitte l’UTA à la moitié du championnat après un désaccord avec Dumitrescu, son entraîneur. « Il y a eu un froid entre nous. J’étais titulaire en déplacement, mais même pas remplaçant à la maison. Puis il m’a envoyé chez les juniors, alors je suis parti, » explique-t-il. Durant ces onze années en Transylvanie, Le Grec – c’est son surnom – aura joué à quasiment tous les postes: milieu gauche, puis droit, attaquant, puis milieu axial avant de glisser au poste de libéro. Sans réussite donc.
Il met fin à sa carrière de joueur peu après son départ du club, puis entraîne en Divizia B, avant de revenir à Arad, en 1973, comme entraîneur au centre de formation. Un poste qu’il conserve jusqu’à sa retraite en 1991. Des dizaines de joueurs de l’élite passent entre ses mains. Une manière de rendre au club ce qu’il lui a offert en l’adoptant contre toutes les habitudes de l’époque.
Car les problèmes administratifs n’ont pas manqué. En plus d’être né en Grèce, ce qui ne plaisait pas forcément à un pouvoir communiste roumain anti-internationaliste, Metskas était apatride depuis son arrivée dans la pays, la Grèce lui ayant retiré sa nationalité lors de son départ! La Roumanie, elle, ne lui a pas accordé sa nationalité: « J’ai été convoqué en équipe nationale par trois sélectionneurs, Ronnay, Bazil Marian et Teasca. Je n’ai cependant jamais pu honorer mes sélections puisque je n’avais pas la citoyenneté roumaine. J’ai déposé demandes sur demandes, sans résultat. » En 2004, suite à une nouvelle sollicitation, il passe les tests réglementaires et obtient la nationalité roumaine. Il retrouve la même année la nationalité grecque, demandée en 1990. Enfin une double nationalité, après avoir été apatride pendant 57 ans!
Source: gsp.ro
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A pJ: que devient Geraldo Alves au Steaua , intégré ou pas , titulaire ou remplacant, accepté ou detesté par le president un peu fou
Ca se passe plutôt pas mal pour le moment. Il est titulaire sans problème. Je le trouve un poil lent, mais il garde bien la gauche de l’axe. Avec les bourdes d’Abrudan, notamment contre Liverpool, il est associé au jeune Gardos, et ça se passe bien, il a l’air de bien l’encadrer.
@pj: merci beaucoup ca va alors