le 8 novembre 2010 à 9:18149-0, la branlée malgache

10-0 en championnat de Hollande la semaine dernière, 9-0 en Ecosse cette semaine, nous avons vu deux beaux scores fleuves ces derniers temps. On connaît également bien le match Australie-Samoa Américaines du 11 avril 2001. Ce jour-là, les Australiens établissaient le record de la plus large victoire dans un match international, en l’emportant 31-0 face à l’une des plus faibles équipes du monde. Ce que l’on sait moins, c’est que ce record n’en est pas vraiment un. Il a en tout cas été largement dépassé un an plus tard, lors d’un match du championnat de Madagascar. Ce jour-là, le score final s’est élevé à 149-0, soit un but toutes les 36 secondes. Un rythme qu’il sera difficile de revoir. Tout comme la situation ubuesque qui a mené à un tel résultat.

Les play-offs du championnat de Madagascar réunissent quatre équipes: le Stade Olympique de l’Emyrne d’Antananarivo (SOE), champion en titre, l’AS Adéma, le Domoina Soavina Atsimondrano (DSA) et l’US Ambohidratrimo (USA). Les équipes se rencontrant en matchs aller-retour, ces play-offs durent six journées. A la veille de la cinquième journée, toutes sont encore en course pour le titre. Les matchs du jour sont USA-Adéma et DSA-SOE. L’Adéma remporte son match, distançant ainsi ses adversaires. L’USA vient de perdre ses derniers espoirs de titre tandis que le DSA et le SOE se retrouvent à cinq points du leader. Pour les deux poursuivants, l’équation est simple: il faut l’emporter pour rester dans la course. Un match nul offrirait lui le sacre à l’Adéma.

Ce match à quitte ou double est terriblement disputé. Le champion en titre parvient toutefois à prendre l’avantage 2-1 à la 89e minute. En revenant à deux points du leader, tous les espoirs sont encore permis. Mais Dieu que cette fin de match est longue! Sur son banc, Ratsimandresy Ratsarazaka n‘en peut plus. L’entraîneur du SOE ne peut s’empêcher de râler contre l’arbitre, Benjamina Razafintsalama, qui ne siffle jamais la fin du match. Pire, au bout d’interminables arrêts de jeu, l’arbitre siffle un penalty pour le DSA. Ratsarazaka explose, il n’y pas de faute! Tout est désormais clair: partisan de l’Adéma, Razafintsalama assure la victoire finale de ses protégés grâce à ce penalty. Le DSA marque, les deux équipes sont à quatre points de l’Adéma, qui est sacré champion. Le SOE vient de voir s’envoler le titre, et avec lui une place en Ligue des Champions d’Afrique. Razafintsalama, et à travers lui la fédération malgache, ont réussi leur coup.

Ratsimandresy Ratsarazaka n’est pas en reste. On s’est moqué de lui, c’est maintenant à lui de répondre. Et de quelle manière. Le 31 octobre 2002, son équipe du SOE rencontre le nouveau champion, l’Adema. Le match compte pour du beurre, mais il restera dans les annales. En recevant l’AS Adéma à domicile, à Tamatar, à 300 kilomètres d’Antananarivo, c’est tout le SOE qui a décidé de ridiculiser l’arbitrage dont il estime avoir été victime. Dès le coup d’envoi, les joueurs du SOE envoient le ballon dans leur propre but. Le gardien international Dominique Rakotonandrasana n’esquisse pas le moindre geste. Mieux, lui et ses coéquipiers se dépêchent de renvoyer le ballon dans le rond central pour recommencer de plus belle. Eberlués, les joueurs de l’Adéma voient le score gonfler en leur faveur sans avoir touché une seule fois le ballon tandis que leurs adversaires multiplient leurs efforts pour marquer le plus de buts contre leur camp. Au coup de sifflet final, ce sont donc 149 buts qui sont marqués au bénéfice de l’Adéma, dont la grande majorité par le gardien Rakotonandrasana. Les spectateurs, après avoir ri un bon coup, se sont vite lassés de cette mascarade et se sont vite rués vers les guichets pour demander le remboursement de leurs billets. «Les joueurs lançaient le ballon du rond central vers les buts de leur gardien et s’empressaient de revenir au rond central. Cela a duré 90 minutes. C’était comique et scandaleux», explique avec un brin d’humour un membre de la Fédération malgache de football à sa sortie du stade.

Au Ministère des Sports, on ne retient cependant que le côté scandaleux de l’affaire. «C’est ridicule et honteux. Le Stade olympique s’estimait victime de l’arbitrage lors du précédant match. Les joueurs n’ont fait, cette fois-ci, que passer en arrière. On essaie de régler cette affaire. Nous demandons une explication à la direction de ce club et nous prendrons des sanctions. L’arbitre aurait dû arrêter la partie à partir du 5ème but», s’indigne ainsi William Andrimialison, secrétaire-général au Ministère des Sports. Celui-ci propose de sanctionner les équipes, et notamment les joueurs les plus impliqués, comme le capitaine de la sélection nationale Mamisoa Razafindrakoto. Mais après avoir entendu les deux parties, et en l’absence de preuves tangibles (!), la Fédération malgache décide de ne prendre aucune sanction.

René Ndalana, le Ministre des Sports malgache, prend alors les choses en main et diligente immédiatement un audit des comptes de la FMF. Il en ressort que le livre des comptes de la fédération n’est pas à jour. S’ajoute à cela différents griefs politiques entre Ndalana et Benony, le président de la FMF. Celle-ci est alors dissoute par le Ministre des Sports pour divers arguments fallacieux. Sitôt informée de la situation, la FIFA réagit. En rappelant tout d’abord au gouvernement malgache que cette décision constituait une violation flagrante de ses statuts. Puis en demandant la suspension de la décision afin de permettre à la Fédération malgache de travailler en toute quiétude. C’est ainsi que le résultat du match Stade Olympique de l’Emyrne – AS Adéma est définitivement entériné. L’Adéma termine ainsi le championnat avec une différence de buts incroyable. Dans cette affaire, peu de sanctions tomberont. Ratsimandresy Ratsarazaka, l’entraîneur du Stade Olympique, est suspendu trois ans. Mamisoa Razafindrakoto (le capitaine de l’équipe nationale), Manitranirina Andrianiaina (le capitaine du SO l’Emyrne), Nicolas Rakotoarimanana et le gardien Dominique Rakotonandrasana sont suspendus jusqu’à la fin de la saison, avec interdiction de stade pour la même durée. Tous les autres joueurs des deux équipes reçoivent un avertissement. L’arbitre ne reçoit lui aucune sanction.