Jean-Pierre de Mondenard, plutôt spécialiste du dopage dans le cyclisme, s’intéresse dans son nouvel ouvrage au football.
Une mise en perspective sans concession des pratiques de dopage dans notre sport favori. Sport le moins contrôlé où règne une véritable loi du silence. Paru chez Jean-Claude Gawsewitch, 380 pages, 19,90 euros
L’interview suivante a été réalisé par Le Monde.fr
Dans votre livre, vous expliquez que le dopage est bien plus présent dans le football que ce que l’on veut nous faire croire…
Ce n’est pas étonnant que l’on parle peu du dopage dans le football. D’une part, les contrôles antidopage ne sont pas performants. Un contrôle négatif, ce n’est la preuve de rien du tout. En plus, la Fédération de football est celle qui parmi toutes les fédérations sportives, par rapport au nombre de pratiquants, fait le moins de contrôles. Pour les instances du football, depuis le Mondial 1966, le bilan du dopage est le plus performant de tous les sports. En tout cas, elles veulent nous le faire croire en multipliant les communiqués d’autosatisfaction. En réalité, quelques cas positifs leur suffisent pour démontrer que les contrôles sont efficaces et qu’elles maîtrisent la lutte antidopage. D’autre part, il y a un argument étrange dans le monde du football : on nous dit que le dopage serait inefficace. Ce discours est totalement en désaccord avec la réalité des vestiaires. Le dopage a toujours existé dans le football. On n’entend une part de vérité que lorsque des enquêtes judiciaires sont ouvertes.
« Le dopage est inutile dans le football ». Cet argument vous semble ridicule ?
Dès que des enquêtes et des débats sur le dopage apparaissent, les footballeurs nous parlent d’absorption de vitamines – appelées aussi le dopage du pauvre depuis quarante ans – prises sous forme de piqûres juste avant le début de la rencontre. Il est pourtant admis dans tous les autres sports que les « injections » de vitamines ne servent à rien et que les sportifs, en réalité, se dopent à de multiples produits. Et ce serait exactement le contraire dans le football ? On nous fait croire aussi que le football relève de considérations tactiques et techniques, alors que la dimension athlétique est devenue absolument essentielle. Ce message ne tient pas la route et prouve l’hypocrisie de ce milieu. Dans son livre La Face cachée du foot business, agent agréé FIFA/FFF depuis 2001, parle de la règle des trois S : secret, silence et solidarité. Si on comprend ça, on a tout compris.
En quoi la lutte contre le dopage est-elle inefficace dans le football ?
Dans tous les sports, elle est inefficace, et c’est encore plus ridicule dans le football. D’une part, le nombre de contrôles par rapport au nombre de pratiquants est infime, la FIFA est dernière de la classe. Et d’autre part, il est démontré que seuls les contrôles inopinés sont performants. Les pros de la dope n’ont aucun problème pour duper les contrôles a posteriori. Ce sont surtout les vérifications des valises ou des vestiaires effectuées par la police, la gendarmerie ou les douanes qui permettent d’avoir des résultats. Ces dernières années, toutes les grandes affaires de dopage viennent de là : l’affaire Festina en 1998, le Tour d’Italie en 2001, l’affaire Balco aux Etats-Unis en 2003, l’affaire Puerto en 2006…De plus, il existe des substances dopantes indécelables aux analyses pourtant pointues des laboratoires agréés antidopage. Comment peut-on alors parler de lutte antidopage dans ces cas-là ?
C’est comme si, sur l’autoroute, vous aviez des radars censés vous empêcher de dépasser les 130 km/h et qu’en réalité, jusqu’à 200, ils ne flashent rien du tout. De plus en plus de voix s’élèvent pour dénoncer cette réalité. Et puis, tout de même, les exemples ne manquent pas : la grande époque de l’AS Saint-Etienne avec à sa tête Roger Rocher, l’OM des années Tapie, la Juve de la fin des années 1990…
Quelles substances prennent les footballeurs ?
Pratiquement les mêmes que les autres sportifs, et cela dépend des contrôles. Un médecin du CNOSF (Comité national olympique et sportif français) racontait que certains médecins de Fédération prévenaient les clubs de la date des contrôles antidopage. Si vous êtes averti à l’avance, vous pouvez programmer vos prises de produits en fonction des dates sans gros risques de vous faire épingler. Pour résumer, la majorité des substances consommées par les sportifs servent surtout à améliorer la condition physique. Quelques exemples : la vitesse de course ou la détente verticale peuvent être accrues par les anabolisants, le transport de l’oxygène aux muscles peut être boosté par l’EPO, la précision des tirs et la gestuelle technique par la caféine, etc.
Dans votre livre, vous parlez en particulier de Zidane…
J’essaie juste de comprendre un fait précis. En 2003, lors d’une émission télévisée, Johnny Hallyday, qui n’a aucun intérêt à révéler quoi que ce soit, explique qu’il subit des transfusions sanguines deux fois par an dans une clinique suisse (en réalité, l’établissement se trouve à Merano dans le nord de l’Italie), et ajoute qu’il s’y rend sur les conseils de son ami « Zizou », qui y va lui-même deux fois par an pour les mêmes raisons. Or cette technique de la transfusion sanguine est parfaitement illicite chez un sportif, et plusieurs compétiteurs d’autres disciplines athlétiques ont été sanctionnés pour avoir utilisé cette méthode prohibée par les instances internationales. Ce qui m’interpelle, c’est juste que cela passe dans une émission télé et que personne n’a réagi. Ni la FIFA, ni la Fédération française, ni même le ministère des sports, qui se targue d’être le fer de lance de la lutte antidopage.
Des soupçons de dopage portent également sur Ronaldo…
D’abord, il y a l’histoire de la finale du Mondial 98 où Ronaldo a fait une crise de forme épileptique. La raison officielle est qu’il aurait eu des convulsions provoquées par les jeux vidéo, ce qui est extrêmement rare. Des témoignages racontent qu’il aurait reçu en fait des injections pour soigner son genou, et j’expliquais à l’époque que des piqûres de xylocaïne (afin d’anesthésier la douleur), si elles sont faites dans des petits vaisseaux, pouvaient entraîner des crises de type épileptique.
L’exemple prouve que les méthodes médicales ne sont pas toujours adéquates dans le monde du foot : injecter des médicaments dans un genou afin qu’il fonctionne mieux et sans douleur pour un match, c’est clairement soigner la performance en ignorant les conséquences néfastes sur le corps d’un tel traitement. En plus, Ronaldo a subi de nombreuses opérations et a souvent repris la compétition bien trop tôt, sans temps de récupération suffisant. Un médecin brésilien a sorti un livre pour expliquer le dopage qu’il a subi. Si vous augmentez la masse musculaire par des anabolisants, les tendons n’augmentent pas leur résistance et les déchirures sont fréquentes.
Pourquoi un discours comme le vôtre n’a-t-il pas plus d’impact ?
Parce que je suis isolé. Les gens très au courant de tout ça sont ceux qui pratiquent le dopage et qui, bien sûr, ne vont pas communiquer sur ce type d’activité. Mais dans plusieurs pays, d’autres personnes ont le même discours que moi : Sandro Donati en Italie, Werner Franke en Allemagne… Cependant on est constamment marginalisé par le milieu sportif.
Croyez-vous qu’Ã l’avenir, la lutte contre le dopage va s’intensifier dans le football ?
Ça fait quarante-cinq ans que le problème existe et rien n’a changé dans le fonctionnement de la lutte antidopage. Il y a de toute façon un obstacle majeur à sa réussite : ce sont les fédérations elles-mêmes, qui sont chargées de lutter contre le fléau du dopage. C’est impossible ! Imaginez un jury d’assises où le prévenu serait jugé par sa propre famille ! Connaissez-vous un PDG délégué syndical ? Eh bien dans le football, c’est ce qui se passe.
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Hormis pour faire connaître ce monsieur au plus grand nombre, ce qui est tout à fait louable, c’est un grand coup d’épée dans l’eau. Les questions et réponses n’appportent aucune nouveauté, et du coup l’interview, comme le livre, ne devraient pas changer grand chose. M’étonnerait que la FFF – et a fortiori la FIFA – soit sensible à ce genre de d’attaque qui lui en touche une sans faire bouger l’autre. Bien tenté mais c’est raté.
il a l’ air de se faire beaucoup de bien ce monsieur!
« dopage, dopaaage, dooopaaage aaaah…. je viens….. » merci claude.
vive le dopage généralisé pour un lissage des performances : un nul dopé sera toujours moins bon qu’ un bon dopé.
oui, j’ aime le football américain!