Auteur d’un triplé championnat-Coupe du Portugal-Europa League, le FC Porto a ajouté la saison dernière un nouveau titre européen à son riche palmarès. Son grand rival, le Benfica, n’a plus que ses yeux pour pleurer. Car depuis ses victoires en C1 en 1961 et 1962, le club lisboète n’arrive plus à gagner sur le plan européen. Cinq finales de Coupe d’Europe des Clubs Champions et une de Coupe UEFA pour autant de défaites. Un hasard? Non. La malédiction de Guttman.
Bela Guttman est né en 1900 en Autriche-Hongrie. Issu de la communauté juive hongroise, il démarre sa carrière de joueur au MTK Budapest, avant de rejoindre le Hakoah de Vienne. Latéral droit, il est sélectionné avec l’équipe de Hongrie pour les JO de Paris en 1924. En 1926, c’est le grand saut. Guttman part pour New-York et l’American Soccer League, qu’il disputera avec quatre clubs différents.
Joueur, Guttman ne reste jamais plus de deux saisons dans un même club. « La troisième saison est fatale, » aime-t-il dire. Devenu entraîneur en 1933, il ne modifie pas sa manière de penser. Du Hakoah Vienne en 1933 au FC Porto en 1973, il changera de club pas moins de 25 fois durant sa carrière d’entraîneur! Un parcours qui lui fera parcourir le monde: Hongrie, Roumanie, Chypre, Pays-Bas, Argentine, Brésil, Portugal, Italie, Autriche, Suisse, Uruguay, Grêce. Guttman passe notamment par le Milan AC, le FC Porto, Quilmes, le FC Sao Paulo, le Servette, Honved ou encore Benfica.
Après avoir entraîné le Milan de Nordhal, Liedholm et Schiaffino et le grand Honved de Puskas et Kocsis, Guttman est considéré comme l’un des meilleurs entraîneurs du monde, comme le montrent ses salaires exhorbitants. L’un des plus confiants aussi, une sorte de Mourinho avant l’heure. Après avoir remporté notamment les championnats de Hongrie et du Brésil, Guttman remporte le titre au Portugal avec le FC Porto en 1959. Mais c’est avec le Benfica qu’il attaque la saison suivante. A son arrivée, il vire une vingtaine de joueurs et promeut de nombreux juniors. Parmi eux, un certain Eusebio, qu’il a découvert dans les rues de Maputo, fait venir au Portugal, et dont il est le mentor.
Avec cette jeune équipe, Guttman gagne tout: championnat en 1960 et 61 et surtout Coupe d’Europe des Clubs Champions en 1961 et 62. C’est après cette victoire qu’il quitte le club avec pertes et fracas. Il demande en effet aux dirigeants une prime pour la victoire en C1. Ces derniers lui en proposent une, mais inférieure à celle pour la victoire en championnat. Vexé, Guttman part en déclarant que tant qu’il ne serait pas payé, le Benfica ne gagnerait pas une seule coupe d’Europe en 100 ans.
Depuis, le Benfica Lisbonne a échoué cinq fois en finale de Coupe d’Europe des Clubs Champions. Dès 1963 face au Milan AC. En 1965 face à l’Inter Milan (0-1 à San Siro). En 1968 à Wembley, contre Manchester United (1-4 après prolongations). En 1988 face au PSV Eindhoven (5-6 aux tirs au but). Et en 1990, une nouvelle fois face au Milan AC (0-1 au Pratter de Vienne). Sans oublier une finale de Coupe UEFA perdue face à Anderlecht en 1983 (0-1 à l’aller puis 1-1 au retour).
Guttman est décédé en 1981, mais sa promesse tient toujours. Et à Lisbonne, la malédiction de Guttman est prise très au sérieux. A tel point qu’en 1990, Eusebio s’est rendu à Vienne sur sa tombe pour demander pardon et défaire le club de son emprise à la veille de la finale disputée contre le Milan d’Arrigo Sacchi. Peine perdue. De là-haut, Guttman est resté impassible. Et le Milan s’est imposé 1-0.
« Guttman a été mon entraîneur pendant trois ans et nous avons tout gagné avec lui. J’ai un bon souvenir de lui, en tant qu’homme et en tant qu’entraîneur, » déclarait Eusébio devant la tombe de son mentor. Pas sûr que tout le monde soit d’accord avec lui à l’Estadio de la Luz. La semaine dernière, Benfica y a fait match nul avec Manchester United. Un bon résultat qui ne laisse cependant pas de place au doute. Benfica ne gagnera pas de coupe européenne pendant encore 49 ans. Parole de Guttman.
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Un coach pharaonique, je dirais. Je ne connaissais pas du tout cette histoire de malédiction.
En tout cas, quel globe-trotter. Aucun entraineur actuel ne peut se targuer d’un tel parcours sur la planète football. Niveau palmarès, idem.
Merci PJ.
merci PJ , beau reportage