Les Français et le football

L’élimination de la France et, surtout, les nombreuses critiques portés envers des comportements de joueurs jugés inappropriés arrive à point nommé pour parler d’un ouvrage passionnant, « Ce pays qui n’aime pas le foot » sorti chez Hugo, il y a quelques semaines. Et aussi pour vider mon sac, personnellement je trouve çà très sain, et çà fait un bien fou.

Comme en 2010, l’élimination de la France a fait l’objet de critiques sportives, légitimes : on ne pourra pas se satisfaire de ce maigre bilan rapporté d’un Euro par ailleurs plutôt agréable à regarder. Avec une victoire, un nul, deux défaites, un quart de finale perdu face à une équipe d’Espagne prête à rentrer dans l’histoire dimanche soir en cas de victoire, Laurent Blanc a néanmoins atteint l’objectif de la FFF. On aurait aimé plus d’ambition tactique et technique, et si nous ne saurons jamais si cette équipe avait les capacités pour aller plus loin (et avec le départ de Blanc, on ne le saura jamais), on se doutait bien que son manque de maturité et d’expérience constituait un frein rédhibitoire. Ce qui fut confirmé de manière éclatante face à l’Espagne, au terme d’une partie où la France a fait preuve d’un remarquable et constant complexe d’infériorité. Le bon début de match bleu (peu remarqué par les « observateurs« ) a été balayé par le but espagnol venu d’un côté pourtant quantitativement renforcé par Blanc. Le reste du match ne fut que géré par l’Espagne.

Mais encore une fois, ces considérations sportives ont été balayés par un raz de marée médiatique concernant de supposés « affaires » Ben Arfa, Nasri, Ménez, etc…Une facilité journalistico-populaire idéale pour masquer une méconnaissance du jeu ‘football’,  une farce médiatique incarnée avec beaucoup de talent par Balbir, Larqué et autre CJP.

En l’espèce, de quoi s’agissait-il ? Respectivement d’un échange franc mais correct entre un joueur et son entraîneur dans un vestiaire (ce qui arrive quelques milliers de fois tous les dimanches, accessoirement), de paroles adressés à un journaliste sur (Angleterre) puis en dehors (Espagne) du terrain, et enfin d’un geste d’humeur après qu’un coéquipier (Lloris) en ait, selon ses propres termes, « pourri » un autre (Ménez donc, vous suivez ?). Le tout venant de joueurs n’ayant été ni moins bons, ni vraiment meilleurs que les autres. Des joueurs jeunes, avec du style, qui plaît ou non, du talent, indéniable, et une personnalité, avec leurs bons côtés…et leurs moins bons. Sur lesquels ont mis le doigt journalistes, politiques et public mélangés dans une jolie catharsis, le véritable sport préféré des français. Nasri et Ménez sont bêtes comme leurs pieds ? Et bien laissons leurs à leurs pitreries et gamineries, et contentons nous de juger leurs performances sportives. Ce comportement ne plait pas au sélectionneur et nuit au groupe ? Et bien laissons le soin au sélectionneur de prendre ses responsabilités, il est le mieux placé, au coeur d’un groupe dont il est le manager, pour prendre les décisions sportives appropriés ! Que viennent faire ici ces histoires de sanctions ? Quelle manie a-t-on dans ce pays de vouloir immédiatement après un « fait divers » trouver une solution juridique, (d’ailleurs souvent plus proche d’un petit pansement qu’un véritable remède à un problème de fond) idéale pour s’exposer à moindre frais dans des médias complices ? Et pour en finir avec Nasri, n’oublions pas que le joueur s’est pris un « Casse-toi » dans les dents, réplique à laquelle Platini aurait peut-être bien répondu de manière aussi radicale que Nasri, si on en croit ses dernières déclarations ( »si on avait dû me suspendre à chaque fois que j’ai insulté des journalistes, je n’aurais pas eu beaucoup de sélections en équipe nationale »).
Nous rappelerons aussi que Platini ne chantait jamais la Marseillaise, lui non plus.

Sans que les envolées lyriques post-Kysna n’aient été dépassés ( »racaille« , « caïds« , etc…), on a encore entendu ou lu, dans ses journaux, à la radio, ou accoudé au comptoir de son bistrot, quelques millions d’opinions outrés sur ce fameux « comportement » de nos joueurs. Dans un éclairant bouquin, Joachim Barbier (So Foot), nous parle de « ce pays qui n’aime pas le foot« , cette France prompte à célébrer pompeusement ses vainqueurs et à les mettre plus bas que terre dès que la défaite pointe son nez. Sorti en toute discrétion (les médias généralistes n’en ont évidemment pas parlé), Barbier nous décrit cette France gueularde et ayant un avis sur tout,  même sur le football, vaste sujet, à la fois léger et important, où chacun, surtout celui qui n’y connait rien,  se croit obligé de nous délivrer ses conseils de soi disant expert. Implacable, Barbier nous raconte par le menu ces tristes soirées au Stade de France où le public siffle les siens entre deux olas. Simple exemple parmi d’autres, au service d’un implacable constat que les épisodes récents évoqués plus haut ont confirmé : la France, ses élites, les français n’aiment pas le football.

La véritable plaie du football français, c’est ce flagrant manque de « culture foot« , lié à une méconnaissance, ou pire, à une ignorance (et même la haine, parfois) du football en tant que sport mais aussi en tant que phénomène culturel, donc social. Au lieu de taper sur des joueurs (oui, grassement payés, et alors, cela implique-t-il un devoir d’exemplarité ?!), finalement simples pions d’un système qui les dépasse et dont ils ne comprennent probablement pas tous les enjeux, si nous regardions un peu plus haut dans la pyramide, vers les décideurs sportifs (de la FFF à la LNF), médiatiques (L’Equipe et ses retournements de veste, le cirque de TF1, M6 et consorts) et politiques  à droite où les impostures intellectuelles sont les plus flagrantes, et à gauche car elles pourraient le devenir, usage du pouvoir oblige) ?

Afin de leur dire haut et fort un « Le foot, tu l’aimes ou tu le quittes ! » pleinement mérité.

 
Edito | France

trackback uri 7 commentaires

2008, Moriarty, l’Euro en Suisse et en Autriche c’était en 2008. :)

Je n’ai pas lu le bouquin de Joachim barbier qui vient de sortir, mais lui, je l’ai vu à plusieurs reprises dans « C dans l’air » sur France 5.
Moi ce qui me déplaît carrément chez lui, comme chez certains de ces collègues, c’est ce petit côté :
« A partir du moment où tu n’es pas journaliste, tu n’as pas le droit d’avoir un avis ! ».
Là, il est dans la tendance « les français n’aiment pas le foot », au passage je trouve ça très facile. Comme si il fallait avoir fait science-po pour avoir une opinion sur l’équipe de France.
Ceci étant dit…

Je suis, moi aussi, contre le principe de sanction « juridique », pour des écarts de language ou de conduite hors du terrain. Surtout pour les histoires avec les journaleux, c’est le jeu médiatique.
Même si je pense qu’en équipe de France, faire preuve d’un peu de correction, c’est un minimum.

Pour le reste, pour ce qui est des attitudes sur le terrain et dans les vestiaires… Il faudrait peut-être revenir à un peu de discipline sportive.
On parle de sélection nationale pas d’un club de quartier.

par stef, 01.07.2012 à 09h07   | Citer

« oui, grassement payés, et alors, cela implique-t-il un devoir d’exemplarité ?! »

C’est pas tant le fait d’être grassement payé que de passer à la télé devant des millions de gens, ou encore de représenter la France en partant le maillot de son équipe…

Oui je trouve que cela requiert une certaine exemplarité (qui ne se limite pas à l’edf, ou aux joueurs de foot, hein : ca devrait concerner toute personne qui « présente » ou « représente »)

par Smith, 01.07.2012 à 14h06   | Citer

Je ne partage pas toutes les opinions avancées par Moriarty et notamment sur le devoir d’exemplarité, cependant je ne peux que saluer un bel article, bien écrit et structuré. Bref tout ce qui manque aux joueurs de l’EDF. Je ne m’y connais pas en foot, mais je crois m’y connaître un tout petit peu en hommes et le problème des internationaux français est qu’ils n’ont jamais été suffisamment éduqués. Une personne a besoin d’être équilibrée et sans lui demander d’être à la fois un excellent footballeur et un excellent intellectuel, trop de déséquilibre entre l’un et l’autre est gravement préjudiciable. En réalité je plains nos joueurs car on ne les forme pas de façon équilibrée et on voit le résultat.

par Christian, 01.07.2012 à 18h44   | Citer

De toute façon, tant qu’en France on félicitera un joueur juste parce qu’il a couru, et n’a insulté personne (Ribéry ? entre autres) et un sélectionneur parce qu’il est sorti de son groupe (avec un concours de circonstances qui aide bien), on avancera pas. On applaudit presque le minimum d’un joueur pro. Quand on sait qu’il faut y ajouter de la technique et une culture tactique, et un gros mental…

Bref, on est loin de tout ça, on n’a pas de sélectionneur, et on a l’Espagne dans notre groupe de qualifs, avant le mondial au pays du football. On a 2 ans pour tout changer faire bonne figure là-bas (ou éviter d’y être peut-être) pour préparer le rdv ultime à la maison en 2016. Eh beh…

par Hagi, 02.07.2012 à 14h31   | Citer

Hagi:
… et on a l’Espagne dans notre groupe de qualifs…

Pour moi, mon cher Hagi, c’est clair…
On peut déjà commencer à envisager une non-qualification pour le Brésil.

par stef, 02.07.2012 à 20h04   | Citer

Et ça, je pense que nos « têtes pensantes » à la fédé, qui pensent toujours qu’on a un vivier exceptionnel, ne l’imaginent même pas. Ils voient plutôt un barrage face à une petite équipe, et passage à l’arrache, au pire.

par Hagi, 03.07.2012 à 11h01   | Citer

Hagi: Et ça, je pense que nos « têtes pensantes » à la fédé, qui pensent toujours qu’on a un vivier exceptionnel, ne l’imaginent même pas. Ils voient plutôt un barrage face à une petite équipe, et passage à l’arrache, au pire.

Comment tu sais qu’ils ne l’imaginent pas?
Parce qu’ils ne le clament pas à tort et à travers?
L’objectif c’est de se qualifier. Je vois pas pourquoi il diraient dans les médias ou alors en te filant un coup de tel « ben on va peut être pas se qualifier ».

par Frid, 06.07.2012 à 06h12   | Citer