Walter Tull, pionnier et héros

Le football en 14-18, épisode 3/5.

Parmi les héros du Bataillon des Footballeurs à l’œuvre durant la Première Guerre mondiale figure un homme à part. Walter Tull a en effet brisé bien des barrières. Descendant d’esclaves, il est tout d’abord devenu le deuxième Noir joueur professionnel en Angleterre, avant d’être le premier Noir promu officier dans l’armée britannique. Walter Tull, une histoire de courage, de volonté et de talent.

Walter Tull naît à Folkestone en 1888. Fils d’un esclave de la Barbade, son père est arrivé en Angleterre douze années plus tôt, et s’est marié avec une jeune femme du Kent. Cette dernière, mère de six enfants, meurt en 1895. Walter, sept ans, perd ensuite son père deux années plus tard, et est élevé dans un orphelinat londonien avec l’un de ses frères.

Walter Tull - Photo ahistoryoffootballcom

Devenu apprenti imprimeur, Tull passe un test à Clapton, un club amateur de l’Est de Londres. Engagé, il joue pour l’équipe première au début de la saison 1908-09. Le talentueux attaquant connaît une belle saison, son équipe remportant l’Amateur Cup, la London Senior Cup et la London County Amateur Cup.

Grand acteur de la réussite de son équipe Walter Tull est bien vite repéré. Les Hotspurs de Tottenham – déjà enclins à piquer les jeunes prometteurs des clubs voisins – l’emmènent avec eux en tournée en Amérique du Sud, avant de lui faire signer un contrat à leur retour. C’est ainsi que Tull devient le deuxième Noir professionnel, plus de vingt ans après Arthur Wharton, qui avait signé chez les « Invincibles » de Preston North End dès les débuts du professionnalisme en 1886. Tull fait ses débuts en Première Division face à Sunderland.

Bien que les promus londoniens ne soient pas toujours à la fête face aux équipes habituées à l’élite, les éloges sur les prestations de Tull ne se font pas attendre. Après le troisième match des Spurs, qui prennent leur tout premier point en Première Division contre Manchester United, le Daily Chronicle écrit : « La démonstration de Tull doit avoir étonné tous ceux qui l’ont vue. Je n’avais pas vu depuis très longtemps autant de calme, de précision dans la passe et d’attente pour passer judicieusement le ballon dans la fraction de seconde qui mettra le défenseur adverse en mauvaise position. Durant la première période, Tull a contraint Curtis à élever son niveau de jeu. Ses séries de passes ne permettaient pas à l’arrière droit de réaliser autre chose qu’un bon match. »

Tull marque son premier but une semaine plus tard contre Bradford City. Et cette fois, le Daily Chronicle parle d’une « classe au-dessus de ce qu’ont montré la plupart de ses coéquipiers. » Il est toutefois envoyé en équipe réserve après sept petits matchs, sans que la raison ne parvienne jusqu’à nous. Sa situation ne s’arrange pas la saison suivante, puisqu’il ne joue que trois matchs en équipe première, marquant au passage un but. Malgré ses bonnes prestations avec la réserve (10 buts en 27 matchs), Tull est déçu du peu de confiance qui lui est faite et part pour Northampton Town, en Southern League, le troisième échelon national. Grâce à quelques coups d’éclat, dont un quadruplé peu après son arrivée, il devient le joueur le plus populaire du club. L’accueil des supporters adverses n’est lui pas toujours des meilleurs. Le Northampton Echo écrit à ce sujet en 1909 : « Une partie des spectateurs l’ont lâchement apostrophé d’un langage des plus orduriers. Laissez-moi dire à ces hooligans de Bristol (ils étaient peu dans la foule des vingt mille spectateurs) que Tull est un homme si droit et intègre qu’il pourrait être un modèle pour tout footballeur blanc, qu’il soit amateur ou professionnel. Et il était le meilleur attaquant sur le terrain, techniquement comme dans la finition. »

Walter Tull - Photo bbccoukEn 1914, plusieurs clubs sont intéressés par ses services, dont les Rangers de Glasgow, qui entament des négociations avec Northampton. Las, la guerre éclate. Tull décide immédiatement d’abandonner sa carrière sportive et d’offrir ses services à la British Army. Intégré au Bataillon des footballeurs du Major Franck Buckley, Tull montre des qualités de meneur d’homme, une certaine habileté au combat et devient rapidement promu sergent.

Après avoir disputé la Bataille de la Somme en 1916, Walter Tull est rapatrié en Angleterre victime de la fièvre des tranchées. Il en profite pour rejoindre l’école d’officiers de Gailes, en Ecosse. Les lois militaires britanniques stipulent alors clairement que « aucun nègre ou personne de couleur » ne peut obtenir le grade d’officier ni prendre de commandement. Selon le Manuel des Lois Militaires de 1914, les soldats Noirs de tous rangs sont indésirables, les dirigeants militaires affirmant, avec l’aval du gouvernement, que « les soldats Blancs risquant de ne pas accepter d’ordres venus de personnes de couleur.» Fortement soutenu par ses officiers supérieurs auprès de la commission, Tull brise le carcan des lois et devient le premier Noir officier de combat dans l’armée britannique.

C’est ainsi que le Second Lieutenant Tull repart au front en 1917, en Italie. Il est salué après la Bataille de Piave pour son calme et sa bravoure face au feu ennemi et en retire une grande popularité auprès de ses hommes. D’Italie, il est rappelé en France en 1918, pour participer à la deuxième Bataille de la Somme, où les Alliés préparent une nouvelle tentative pour percer les lignes allemandes.

Le 25 mars 1918, Tull reçoit l’ordre d’attaquer les tranchées ennemies à Favreuil. Mais peu après être entré dans le no man’s land, il est touché d’une balle en pleine tête, à un mois de son trentième anniversaire. L’attaque est un échec. Dans la débandade, le soldat Billingham, gardien de but de Leicester City, tente de ramener son corps dans la tranchée britannique, mais doit abandonner au bout de quelques mètres sous le feu des mitrailleuses. Son corps ne sera jamais retrouvé.

Comme 35 000 autres soldats morts dans la région, Tull n’a pas de tombe, seulement son nom gravé sur le Mémorial d’Arras. Le club de Northampton Town a également inauguré un mémorial à sa gloire dans son stade. Un trophée et une association d’aide à l’éducation portent également son nom.

Pour en savoir plus: Spartacus Educational, Waltertull.com, The Dover War Memorial Project et un article du Guardian.

 
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trackback uri 3 commentaires

Bordel PJ, t’es en pleine forme !!!
Cet article là me plait aussi énormément.
C’est pas possible, t’as changé de régime alimentaire ou quoi ?
:)

par stef, 13.11.2012 à 14h27   | Citer

Non non, c’était préparé à l’avance et mis en ligne ce week-end, mais chut! :)

par PJ, 13.11.2012 à 17h49   | Citer

né le 28 avril 1888 à folkestone ( angleterre ) . mort le 25 mars 1918 dans le pas de calais ( france )

cet aillier tres rapide avait bien commencer sa carriere et aurait pu prétandre a une selection avec l’angleterre . malgré ses origines de la barbade .

1908-09: FC clapton
09-11: tottenham
11-14: northampton

il compte 120 matchs et 11 buts en premier league .

par rcs67, 17.11.2012 à 23h30   | Citer