Cinquième et dernière histoire de notre série reliant football et Première Guerre mondiale. Avec un héros, un vrai!
Entre l’héroïsme et la folie, la limite est parfois mince. L’histoire de cet Ecossais en est certainement la meilleure preuve. Fils de mineur, William Angus quitte l’école à 14 ans pour rejoindre lui aussi les mines de charbon du sud de l’Ecosse, tout en jouant comme amateur aux Carluke Rovers. En 1911, il signe à 23 ans un contrat de professionnel au Celtic Glasgow. Angus ne parvient cependant pas à jouer assez régulièrement en équipe première et finit par quitter le club en 1914 pour rejoindre Wisham Athletic. Il n’y évoluera quasiment pas.
Angus rejoint en effet le 8e Bataillon d’Infanterie légère des Highlands dès le début du conflit. Envoyé sur le front, il est posté à Givenchy à l’aube de l’été 1915, dans une tranchée faisant face aux Allemands distants de quelques dizaines de mètres. La tranchée allemande, légèrement plus haute, est une position stratégique. Le 11 juin, le Lieutenant James Martin une attaque pour tenter de s’en emparer. Les bombes pleuvent sur l’adversaire, mais celui-ci avait un coup d’avance. Les Allemands enclenchent une énorme mine enterrée dans le no man’s land. L’explosion créé un cratère de plusieurs mètres de diamètre. C’est la déroute du côté de l’assaillant britannique, qui se replie.
Avec la tombée de la nuit, on compte les blessés. Et on s’aperçoit que le Lieutenant Martin fait partie des absents. Le coup est rude pour le moral des troupes. Mais lorsque le soleil de lève, les hommes s’aperçoivent avec stupeur que leur lieutenant est là , gisant sur le sol, blessé, incapable de bouger, mais vivant. Et tellement près du parapet de la tranchée adverse que les Allemands ne peuvent le viser avec leurs armes. Recouvrant ses esprits et le peu de forces lui restant, Martin implore ces derniers de lui envoyer de l’eau. Mais c’est bel et bien une grenade qui est lancée à la place. La cible est manquée, mais c’en est trop pour le camp britannique, qui a tout vu et entendu.
Devant ce geste, Angus se porte immédiatement volontaire pour secourir son supérieur. Ses officiers refusent, considérant la mission comme suicidaire. Mais Angus n’en a cure. Le Lt Martin est très apprécié de ses homes, mais il est surtout de Carluke, le même village que lui. Hors de question de le laisser mourir. A force de persuasion, il obtient l’autorisation de tenter sa chance au coucher du soleil.
Attaché par une corde autour de la taille, pour être tiré vers la tranchée en cas de blessure ou de décès, Angus se lance vers Martin sans être vu. Une fois à ses côtés, son premier geste est de lui « offrir » sa corde, avant de lui donner une rasade de brandy. Ils sont prêts pour un périlleux retour. Offrant son corps en bouclier, Angus porte son lieutenant et se dirige vers leur tranchée, distante d’une soixantaine de mètres.
Las, les Allemands les repèrent. Une nouvelle pluie de balles et de bombes s’abattent sur le no man’s land. A plusieurs reprises, Angus est touché, tombe, puis se relève pour porter encore son lieutenant en le protégeant des balles et des éclats d’obus. Les tirs si violents que la poussière soulevée empêche les snipers de tirer avec précision. Arrivé près des siens, Angus leur crie de tirer Martin. Et se relevant une nouvelle fois, il trouve assez de forces pour faire diversion en courant le long de la tranchée pendant que les soldats mettent leur lieutenant à l’abri.
Touché et tombé au sol à plusieurs reprises, Angus parvient néanmoins à rejoindre lui aussi la tranchée, où il perd connaissance. Transporté d’urgence à l’infirmerie la plus proche, il est ensuite évacué vers un hôpital militaire de Boulogne-sur-mer. On recense une quarantaine de blessures, impacts de balles et shrapnels sur son corps. Des blessures qui lui coûtent son Å“il gauche et une partie du pied droit mais n’ont pas eu raison de son courage.
Rapidement, l’histoire d’Angus fait le tour des tranchées britanniques. Le Lieutenant-Colonel Gemmill, officier commandant à Givenchy écrit : « Aucun acte plus courageux n’a été réalisé dans l’histoire de l’Armée britannique. » Pour son geste du 12 juin, Angus est reçu le 30 août 1915 à Buckingham Palace pour y recevoir la Victoria Cross, la plus haute distinction militaire britannique, des mains du Roi George V en personne. La petite histoire raconte que lorsqu’il apprend la présence du père de William Angus dans une pièce voisine, le roi, très impressionné par l’acte de bravoure du soldat de première classe, insista pour qu’il lui soit présenté, et mis à mal le protocole en discutant longuement avec les deux hommes, exprimant à plusieurs reprises son admiration.
A son retour à Carluke, William Angus ne peut reprendre sa carrière de footballeur, mais est suffisamment en forme pour retourner à la mine et devenir président du Carluke Rovers FC, poste qu’il tient jusqu’à son décès en 1959. Le Lieutenant James Martin revient lui aussi vivre à Carluke. Les deux hommes deviennent amis proches. Une relation entretenue chaque 12 juin par un télégramme envoyé par Martin à Angus : « Congratulations on the 12th. » Une tradition que le frère du lieutenant poursuit après le décès de ce dernier en 1956. Angus s’en va lui trois années plus tard, le 14 juin 1959, deux jours après avoir reçu son dernier télégramme à l’hôpital.
La Croix de Victoria de William Angus est aujourd’hui exposée au Scottish War Museum du Château d’Edimbourg aux côtés des médailles du Lt Martin et du récit de l’histoire de deux hommes qui ont grandi ensemble, ont rejoint l’armée ensemble, sont partis à la guerre ensemble et, grâce à un acte incroyable de courage de d’humanité, en sont revenus ensemble. Un acte à la frontière entre héroïsme et folie.
A lire également: Spartacus Educational et GlesgaPals.
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3 commentaires
né le 28 fevrier 1888 à armadale ( écosse ) . mort le 14 juin 1959 à carluke ( écosse ) .
T’abuses PJ, j’ai pas encore eu le temps de lire les précédents billets !! Je m’y mets au plus vite !!:)
Ha ha, ben alors, faut être sur le coup mon grand!
N’hésite pas à me dire ce que tu en penses.