le 4 décembre 2014 à 23:38Vers une disparition du Steaua Bucarest?

La nouvelle a fait l’effet d’une bombe. La Haute Cour de Cassation et de Justice (ICCJ en roumain), la plus haute cour de justice du pays, a tranché. Dans un litige qui opposait le Ministère de la Défense au club, cette cour a rendu un verdict en faveur du Ministère en lui accordant la propriété exclusive de la marque « Steaua. » Cet ensemble regroupe tout ce qui permet l’identification de l’équipe: dénomination, emblème, palmarès, couleurs et éléments graphiques. Ce qui signifie en clair que le Steaua tel qu’on le connaît – et qui s’est imposé 1-0 ce soir à Craiova en quarts de finale de coupe – pourrait disparaître dans les prochains jours. L’ICCJ lui donne trois semaines pour abandonner les éléments de la « marque » Steaua et réapparaître sous une autre forme. Une décision de justice définitive et irrévocable.

Pour mieux comprendre comment on a pu arriver à une telle décision, il faut revenir à l’arrivée de Gigi Becali à sa tête. En 1996, le club, sous l’égide du Ministère de la Défense, dépose la marque « Steaua Bucureşti. » Lorsque Becali, devenu actionnaire majoritaire, est président du conseil d’administration du club, il effectue une première tentative pour prendre possession du nom et du sigle du club. Devant le refus des généraux de l’armée, il fait appel à l’Association fr Football Steaua Bucarest, présidée par un proche. Celle-ci lui accord une concession sur la marque, le tout sans l’accord du Club Sportif de l’Armée, son propriétaire initial. Lorsque cette association est dissoute en 2006, Becali garde son bien. Un bien mal acquis. L’ICCJ motive sa décision par le fait que Becali n’aurait pas dû être en possession de la marque Steaua sans l’accord de l’armée, et qu’il ne peut donc avoir aucun droit dessus.

Que va-t-il se passer maintenant? Difficile à dire. Plusieurs possibilités s’offrent à nous. Si la décision de l’ICCJ est définitive et irrévocable, les deux parties peuvent encore trouver un terrain d’entente. Comme l’a déclaré un officier juriste du Ministère de la Défense, ce dernier pourrait accepter que le club de Becali continue d’utiliser sa marque Steaua, à condition de verser une contrepartie financière s’élevant à au moins un millions d’euros. Dans le cas contraire, le Steaua serait obligé de renoncer à tous ses éléments distinctifs. Le Steaua disparaîtrait alors…

La décision de justice fait donc le beau jeu du Ministère. Incapable de tenir l’équipe à bout de bras dans les années 90, ce dernier a laissé Becali en prendre les rênes, financer sa survie et améliorer ses infrastructures (le stade Ghencea en premier lieu). Après cette période difficile, le club est aujourd’hui de nouveau dans le vert, grâce notamment à la vente de ses meilleurs élément chaque année. En profitant de cette vieille erreur de gestion de Becali (qui s’est toujours pensé intouchable jusqu’à l’an dernier et se permettait donc tout et n’importe quoi), le Ministère compte aujourd’hui récupérer une part non négligeable de ces bénéfices. C’est d’ailleurs son seul intérêt dans cette affaire. Car il semble fort improbable qu’il soit capable de venir concurrencer le club de Becali sur les terrains. Si le Steaua devait disparaître, il ne pourrait ressusciter que si le Ministère de la Défense fondait une équipe. Vu ses difficultés financières actuelles, à l’image de celles de tout le pays, il semble exclu qu’il dépense des millions pour soutenir une équipe professionnelle.

Du côté du club, la réponse a été assez évasive. Sur sa page Facebook, le club a simplement affirmé aujourd’hui « avoir pris connaissance de la décision [de l'ICCJ] et mis en place tout le nécessaire pour s’y soumettre. » Il ajoute ensuite une phrase importante: « Nous assurons à nos supporters et aux amateurs de football que notre équipe continuera son parcours dans les compétitions internes et internationales. » Cette phrase est lourde de sens. Le règlement de l’UEFA est très clair sur ce point: toute modification de forme juridique ou structurelle est considérée comme une interruption du statut de membre de l’UEFA. Si le Steaua devait modifier son nom et les motifs de son apparence cet hiver, il sera considéré comme nouvellement affilié à l’UEFA. Il serait alors automatiquement exclu de toute compétition européenne (le club est toujours en course pour une qualification en Europa League) et devra attendre trois ans avant d’y avoir de nouveau accès.

Cette présence européenne, le club ne peut s’en passer. Pas plus qu’il ne peut se passer de ses sponsors, qui ont signé avec la marque Steaua et pourraient résilier leurs contrats si le club devait abandonner son image actuelle. Au final, tout indique que les dirigeants du Steaua vont chercher à trouver un terrain d’entente avec le Ministère, tant que celui-ci n’exagère pas trop ses prétentions. Mais avec Becali, rien n’est impossible…